Histoire du Château de Mercin et Vaux
LES ÉVÊQUES DE SOISSONS & LE GRAND SÉMINAIRE
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NOS SEIGNEURS LES EVÊQUES
Ce n'est point à lui seul qu'avait pensé Mgr de Simony en achetant le domaine de Mercin ; il avait voulu en doter ses successeurs et aussi son Grand
Séminaire, et il réalisa son généreux dessein par un acte de donation des I
er
octobre 1842 et 25 janvier 1843, passé par-devant M
e
Petit de Reimpré, notaire à
Soissons.
Cet acte fut approuvé par une ordonnance royale du 27 décembre 1844,
Dans le domaine, l'habitation principale avec l'aile en retour et la petite cour enclavée, dite, dans l'acte, cour de l'Angélus, le parterre et les jardins avec le petit
parc et ses clôtures formaient la part propre de l'Evêché (1). Au Séminaire était attribuée la propriété de la Salle des Noyers avec le jardin de l'étang qui y est
contigüe (2), et deux bâtiments dont l'un était la maison du garde, pouvant être convertis en salles fermées et en abris pour les jours de mauvais temps.
Tout le reste de la propriété, c'est-à -dire l’entrée ou avenue principale située près de la place du Carrouge, la grande cour et les bâtiments de service, le grand parc
et, au dehors, les terres des carrières et l'avenue allant à la chaussée Brunehaut, tout restait commun entre l'Evêché et le Séminaire.
En outre de ces dispositions principales, le donateur voulut que l'administration du domaine fût confiée à un prêtre choisi par l'évêque diocésain, et que les bénéfices
annuels fussent partagés d'une manière égale entre les deux propriétaires, pour être employés de préférence à sa bonne tenue et à son amélioration.
C'est à MM. les économes du Grand Séminaire qu'est toujours revenue, comme de droit, la charge de remplir les intentions de Mgr de Simony, et l'on sait avec quel
soin ils l'ont fait (3).
Comme bien l'on pense, il n'y eut qu'une voix dans le diocèse pour louer le généreux prélat, dès que sa dotation fut connue, et quand vint la circonstance
solennelle de la retraite annuelle du clergé, l'orateur chargé de prononcer, au nom de tous, le discours qui en termine les exercices, ne manqua pas de lui témoigner
par de chaudes paroles la reconnaissance qui était dans tous les cœurs.
Nos Evêques se rendent volontiers à Mercin, quand ils peuvent en avoir le loisir, ou que quelque prélat ou un autre illustre personnage vient les visiter. Le trajet est
court, quatre kilomètres du palais épiscopal à la maison de campagne. La route est agréable, soit que l'on suive le chemin de Compiègne qui a perdu son ancien
pavage de grès et est devenu très doux, soit que l'on préfère aller par Maupas, ancienne comrnanderie de Malte réunie au XV
e
siècle à celle du Mont de Soissons,
territoire de Serches (4)
Dans les belles saisons, il fait bon de parcourir le domaine de la maison de campagne, d'admirer les grands arbres qui forment dôme sur la terrasse du petit parc, de
suivre les chemins ombragés qui sillonnent la colline, de s'égarer dans les petits sentiers en devisant gaiement sur quelque sujet d'actualité, ou bien plutôt en
s'entretenant gravement des intérêts de l'Eglise et des périls qui peuvent la menacer.
Il fait bon aussi, malgré un peu de fatigue, de faire l'ascension du Calvaire. N'est-ce pas la condition de toute vie?
Le Calvaire du grand parc s'élève tout là haut, vers le sommet de la colline, et les bras étendus de son Christ bénissent le château, l'église, le village et la vallée. Pour
y arriver, la montée est raide depuis le saut de loup qui sépare le petit parc du grand, mais des bancs gazonnés et fleuris vous attendent formant ceinture autour du
tertre de la croix et de sa grotte, et l'on y trouve un doux repos (5) On peut aller encore un peu plus loin, à l'oratoire de Saint-Joseph, ancien vide-bouteilles
transformé par la piété en un saint asile au milieu d'un petit et agréable jardin.
Que ne nous est-il donné de pouvoir reproduire ce qui s'est dit entre ces augustes personnages dans leurs moments d'effusion et toujours sages entretiens?
Consignons du moins ici quelques souvenirs et inscrivons des noms que nos lecteurs auront certainement plaisir à se rappeler.
C'était en 1855. Ils étaient sept prélats ayant répondu à l'appel fraternel de leur collègue de Soissons : S. E. Mgr le Cardinal Gousset, archevêque de Reims;
NN. SS. de Prilly, évêque de Châlons; de Salinis, d'Amiens; Gignoux, de Beauvais; Alloux, de Meaux; Caverot, de Saint-Dié, et Chartrousse, de Valence. Avec quelle
ardeur Mgr de Garsignies ne dût-il point leur parler des divers projets qu'il avait résolu d'exécuter pour le profit de son diocèse! Avec eux, dans les jours suivants, il allait
consacrer la nouvelle église de Saint-Vaast, au faubourg de sa ville épiscopale; inaugurer à Prémontré une restauration de l'ordre de S. Norbert, avec adjonction
d'un orphelinat ; puis, à Laon, rouvrir l'ancienne abbaye bénédictine de Saint-Vincent, pour y installer une colonie de missionnaires diocésains à côté d'une maison
de retraite pour les vieux prêtres; enfin se rendre à Notre-Dame de Liesse pour un pèlerinage d'actions de grâces pour le passé, et de demandes pour l'avenir.
L'avenir paraissait alors plein de promesses. Rome et Paris se donnaient encore la main(6).
C'était ensuite en 1878. L'archevêque de Reims, Mgr Langénieux, et l'évêque de Châlons, Mgr Meignan, avaient été invités par MgrThibaudier à présider et
diriger un congrès d'œuvres sociales à Soissons. Ils ne manquèrent pas de visiter la maison de campagne de Mercin. D'ailleurs, n'est-ce point là que Mgr
Thibaudier menait toujours les prêtres de Lyon qui venaient chaque année chercher les conseils d'une sagesse que depuis longtemps ils avaient appréciée,
et c'est en se promenant dans les allées du parc, à la manière des anciens péripatéticiens, qu'ils écoutaient la parole du Maître.
Mgr Duval y amena S. E. le cardinal Thomas, dans une visite que lui fit à Soissons l'archevêque de Rouen. Il aimait du reste à y venir fréquemment. De son
pas toujours accéléré, il devançait ses compagnons, et fut assurément plus d'une fois pour quelques-uns, l'occasion d'un peu de fatigue dans les allées
montantes (7). A le voir aussi alerte, malgré le poids des années, aurait-on pu croire que dans la matinée même, il avait fait sans crainte, dans sa cathédrale,
l'ascension de ces planchers mobiles élevés jusqu'à la hauteur des voûtes, sur lesquels d'habiles ouvriers travaillaient à rendre au vieil édifice son air de première
jeunesse? Il était allé les encourager et les conseiller. C'est bien à lui que nous devons delà voir si belle. On la dirait sortie tout récemment des mains de ses
créateurs du XIII
e
siècle.
Mais, quel est donc ce visiteur qui nous arrive en compagnie de Mgr Deramecourt? Ce beau vieillard doit être quelque marquant personnage. Ne serait-ce
point le directeur du journal l'Univers, le vaillant frère de celui qui fut le plus illustre des journalistes de ce temps, et sut pourfendre comme il faut les adversaires
de l'Eglise et de ses libertés ? C'est lui-même. Il est en villégiature à Vauxbuin, et Monseigneur a voulu nous faire la bonne fortune de l'amener aux élèves de son
Grand Séminaire qui sont aujourd'hui en leur jour de congé à Mercin. C'est une visite inattendue, mais avec quelle joie reçue! Pour un instant, il y a toutefois
là-bas une personne en grande perplexité. Faut-il la nommer? c'est M. l'Econome. Voilà qu'il est midi, et il n'avait pas été prévenu. L'on ne supplée point
facilement à l'imprévu en la maison de campagne. Mais peu importe, il prend une décision et tout se passera bien. Il sait d'ailleurs que le régal sera donné
aux Directeurs et aux Séminaristes par les deux visiteurs eux-mêmes dans les belles et fortes allocutions qu'ils ne manqueront pas de leur adresser. Et il ne
s'est point trompé. Il en a eu pour preuve les vifs et chaleureux applaudissements qui ont souvent souligné les paroles des deux orateurs discourant sur le danger
des temps présents et de la nécessité de s'attacher aux directions pontificales.
Elle a donc compté nombre d'illustres visiteurs notre campagne de Mercin. Mgr Dours, que j'aurais dû nommer plus tôt, aimait à aller s'y reposer avec son
frère. « Je viens d'en compter les arbres », disait-il à M. Guyart, son vicaire général, qui fut son compagnon au Concile du Vatican et que les Italiens, le prenant
pour S. Liguori revenu au milieu d'eux, saluaient du nom de Santo Alfonso, « Je viens d'en compter les arbres », et par là le vénérable prélat exprimait
pittoresquement comment il avait essayé de faire trêve un instant à ses préoccupations administratives, que l'activité de son frère et vicaire général, M. l'abbé
Hippolyte Cours, cherchait cependant à lui rendre plus faciles à porter.
Dire les mérites et les excellences des Prélats Soissonnais qui depuis Mgr de Simony ont été appelés à jouir de sa grande libéralité serait assurément une
entreprise louable, mais combien délicate ! N'est-elle point au-dessus de nos forces ? Saurions-nous même, en nous bornant à de simples esquisses, trouver le
trait qui convient à chacun d'eux? Aussi bien, nous ne devons pas oublier que c'est l'histoire du château de Mercin que nous devons faire, et non celle du
diocèse.
Nous serons donc satisfait si, en rappelant ici leurs noms seulement, nous pouvons provoquer chez nos lecteurs quelques souvenirs reconnaissants.
Mgr Paul-Afmand Cardon de Garsignies .
1848-1860
.
Jean-Joseph Christophe
1861-1863
Jean-Jules Dours
1864-1876
Odon Thibaudier, transféré à Cambrai.
1876-1890
Jean-Baptiste Duval
1890-1897
.
Augustin-Victor Deramecourt
1898
Nous ne manquerons pas assurément, de joindre ici comme dans une parenthèse nécessaire et que l'on nous reprocherait de ne point avoir ouverte, le nom
de Mgr Mignot, à la science si étendue, à l'amitié si fidèle, né en ce diocèse, ancien vicaire général de Mgr Thibaudier et de Mgr Duval, devenu évêque de Fréjus,
puis archevêque d'Albi. Il fut un grand ami de la campagne de Mercin.
Dès l'année 1854, Mgr de Garsignies dont les projets généreusement conçus ne purent tous arriver à bonne fin, avait résolu de fonder un institut de Frères qui
seraient dans les paroisses instituteurs et clercs laïcs à la fois. C'est au château de Mercin qu'il en plaça d'abord le siège.
Les bâtiments étant insuffisants, il fit remonter d'un étage l'aile de l'habitation. L'on s'y trouva encore bientôt à l'étroit, le nombre des postulants s'étant accru
rapidement. M. l'abbé Beaubouchez (8), supérieur de l'Institut, fut nommé curé-doyen d'Oulchy, en 1857, et il emmena avec lui la communauté des Frères de
l'Immaculée-Conception. Il l'installa dans son vaste presbytère où, en 1819, M. Hurillon avait fondé un Petit Séminaire qui dura jusqu'en 1850. Mais, son état de
santé ayant obligé le pieux supérieur de résigner sa cure d'Oulchy, le nouvel institut dut être transféré dans l'abbaye de Prémontré, récemment acquise par Mgr de
Garsignies. Il n'y dura pas et fusionna quelque temps après avec celui des Frères de la Doctrine Chrétienne de Nancy.
Tout en se rendant volontiers à Mercin pour leurs promenades quand les circonstances les y invitaient, Nos Seigneurs les Evêques ne s'y étaient jamais établis
pour une villégiature de durée plus ou moins longue. Mgr Dours était allé chaque année passer le mois de septembre dans les Pyrénées, pays de son
enfance. Mgr Thibaudier se rendait de même dans le Lyonnais d'où il nous était venu, et Mgr Duval retournait avec plaisir passer quelques jours en
Normandie, au Hâvre-de-Grâce.
Dans l'année qui suivit son arrivée à Soissons, Mgr Deramecourt voulut essayer de la campagne de Mercin pour y passer plusieurs semaines, et quelques
pièces du château furent mises en état de le recevoir. La paroisse apprit cette nouvelle avec joie et l'on se concerta pour faire au prélat une réception digne
de lui.
Ce fut en effet une belle fête. C'était un dimanche, et tous se portèrent au devant de Sa Grandeur. La pacifique milice de nos campagnes était sous les armes, et le
corps de musique prêta son concours. Le discours de bienvenue de M. le Maire fut très aimable et Monseigneur y répondit avec non moins de cordialité. Il
devenait pour un temps citoyen de Mercin. A l'entrée de l'église, allocution de M. l'abbé Rouillier: « Ce sera toujours un
honneur et une joie pour le curé de Mercin et
pour ses paroissiens, que leur église soit devenue, au moins pour un temps, l'église de L’Evêque du diocèse
» Réponse de Monseigneur, pleine de charme et
d'abandon : «Nous espérons bien voir chaque dimanche
des paroissiens aussi nombreux…..
» Puis ce fut la Messe, au cours de laquelle Monseigneur donna
l'homélie, écoutée dans le plus grand recueillement et avec le plus grand intérêt. A la suite, l'assemblée le conduisit au château et l'on se retira. Il était midi. Nous
n'ajouterons qu'un mot. M. l'abbé Rouillier avait eu la délicatesse de réunir près de Monseigneur, MM. les Maires de Mercin et de Pernant avec quelques amis. Le
repas fut gai et des toasts y furent portés.
Mercin, on le sait, est très près de Soissons où se trouve le centre de l'administration diocésaine, et l'on peut facilement franchir la distance qui les sépare.
Ce petit voyage, fait à pied, sous un ciel qui voile son soleil, ne peut-il d'ailleurs remplacer la promenade quotidienne? Quand on est loin du centre des affaires
qui font vos graves préoccupations de tous les jours, l'on éprouve moins le besoin de s'en rapprocher, parce qu'on ne le peut pas, et alors l'esprit se repose plus
facilement sur les fidèles remplaçants que l'on s'est donnés. Pour ces causes, Monseigneur ne trouva point à Mercin le repos qu'il avait espéré y obtenir, et dans
les années suivantes, il prêtera s'éloigner en Artois, dans une maison familiale.
LE GRAND SEMINAIRE
Avant que le domaine de Mercin n'eût été acheté par Mgr de Simony, le Grand Séminaire n'avait point de maison de campagne. Il n'avait point retrouvé celle qu'il
avait possédée à Vauxbuin avant la Révolution de 1789. Donc, aux jours de congé, philosophes et théologiens devaient pour prendre l'air et se reposer l'esprit,
voyager sur les routes ou par les sentiers aux quatre points cardinaux. Ils n'avaient pas, comme les élèves plus jeunes des écoles, la ressource de s'arrêter aux
carrefours des chemins pour s'y asseoir tranquillement ou s'y livrer à divers jeux. Leurs promenades, auxquelles on cherchait cependant à donner un but utile et
agréable, comme la visite des églises et des lieux historiques du voisinage, ou l'ascension des collines d'où la vue s'étend sur la ville et sur la vallée (9), n'avaient
point toujours le succès désiré, surtout quand le vent venait à se déchaîner tout à coup et à déchirer violemment les nuées du ciel, en faisant se déverser avec
abondance sur les têtes une eau qui n'était point attendue.
La donation de la maison de Mercin au Séminaire a donc été pour cet établissement un véritable et nécessaire bienfait.
Entre Soissons et Mercin, nous l'avons dit, la distance n'est ni trop longue, ni trop courte; l'aller et le retour, avec une station nécessaire, donnent l'exercice que l'on
doit chercher dans toute bonne promenade. L'on trouve d'ailleurs au château des salles contre les intempéries qui peuvent survenir.
Le généreux donateur avait prévu que ces abris pourraient être aménagés dans deux bâtiments contigus à l'enceinte, dite Salle des Noyers; mais, grâce à une
heureuse concession faite par nos Evêques, ce sont les pièces principales de l'ancienne habitation seigneuriale qui jusqu'ici ont été laissées à l'usage de nos Séminaristes.
Si l'avantage est grand pour eux, dans toute l'année, de posséder la campagne de Mercin, n'est-ce pas cependant aux mois de mai et de juin qu'ils y trouvent les
plus grandes jouissances, alors que ce n'est plus quelques heures seulement, mais bien la journée entière qu'ils y vont passer? Aussi est-ce dans la description d'une de
ces belles journées que nous voulons nous réjouir avec eux.
Que de fois, en la veille du jour privilégié, ils consultent le ciel et ses nuages !
Le jour venu, dès le grand matin, ils quittent la ville, cheminent doucement et gardent le silence tout en méditant à loisir.
Voici Mercin et son église. Ils y entendent de suite la Messe. Il n'y a pas de chapelle au château, et si, en certaines années, l'on a ouvert un oratoire dans une
chambre haute (10), l'on a bientôt renoncé à s'en servir... L'église paroissiale n'est-elle point toute voisine? N'est-elle point entretenue avec le plus grand soin, et les
années successives n'y voient-elles point sans cesse de nouveaux embellissements? (11).
A la suite delà Messe vient le déjeuner. Il est frugal, c'est vrai, mais tout de même bien accepté : la journée ne compte-telle pas déjà près de trois heures
écoulées?
Puis, c'est la dispersion. Oh! combien joyeuse et rapide! Allées et venues sous bois, rencontres amicales, conversations familières ou instructives, discussions
courtoises ou lectures solitaires : voilà de quoi occuper la matinée. D'ailleurs cette matinée sera coupée par une réunion générale ou une conférence donnée aux
philosophes et aux théologiens réunis, sur un sujet d'études communes à tous et qui n'exige point l'apport du bagage ordinaire des classes comme à la maison-mère.
A midi, c'est le dîner. La cloche fait son appel. Les sentiers de la colline se vident en un instant.
Le repas est gai et animé. La loi du silence prescrite par le règlement pour le Séminaire, n'existe pas pour la maison de campagne. L'air, puisé à pleins
poumons, a aiguisé les appétits. M. l'Econome a donné au menu des jours ordinaires un accroissement utile. Dieu soit loué !
Après le repas, l'action de grâces. Dans une prière est rappelé le nom de l'évêque bienfaiteur.
La table de Mercin, ne le devine-t-on pas? est hospitalière, et tout heureux invité garde, non sans espoir de retour, un bon souvenir de l'amical accueil reçu de
MM. les Directeurs.
M. le curé de la paroisse y a toujours sa place bienveillamment marquée. Il prête son église; n'y a-t-il point ici une application large de la règle canonique :
Beneficium propter officium?
Le jour de fête le plus beau est assurément celui où, avec ses vicaires généraux, Mgr l'Evêque vient s'asseoir à la table commune, pour donner à ces
Messieurs du Séminaire un gage de son estime, et aux élèves une marque de son grand et paternel attachement.
Mais au moment où nous écrivons ces lignes, juin 1906, nous avons le regret de penser que, cette année, la joie de la présence de Mgr Deramecourt en sa
campagne de Mercin ne sera point donnée à ceux qui l'attendent. Le grand ébranlement de sa santé l'oblige à aller au plus vite, dès l'ordination générale faite
en la Saint Pierre, chercher, dans une région privilégiée, les eaux salutaires, chargées par la Providence, des éléments, terres et métaux qui guérissent (13).
Les heures de l'après-midi vont maintenant se succéder. Nous ne pouvons les suivre dans leur ordre naturel. Leur emploi a varié suivant les temps et les
nécessités. C'est donc d'un ensemble un peu mêlé qu'il nous faut faire la contemplation, sans d'ailleurs prétendre atteindre tous les points particuliers.
Disons de suite que deux réunions auront lieu. La première est une conférence où seront traités certains sujets non théologiques, canoniques ou scripturaires,
mais afférents aux œuvres à établir ou à développer dans les paroisses. Elle est d'institution récente, l'assistance y est libre, et la présidence est exercée par l'un des
conférenciers eux-mêmes quand M. le Supérieur se trouve empêché d'apporter à l'assemblée ses enseignements et ses lumières. En plusieurs circonstances, l'on
a vu et entendu à cette réunion des praticiens éprouvés et connus pour avoir une grande expé-rience dans ces sortes d'œuvres sociales.
La seconde réunion a lieu plus tard. Elle est générale; c'est un exercice de piété qui se fait chaque soir à la maison-mère et que l'on n'omet point à la maison
de campagne. Le règlement lui donne le nom de Lecture spirituelle.
Il commence, en effet, par une courte lecture faite dans un auteur choisi, traitant des vertus et des devoirs ecclésiastiques, et se poursuit par un commentaire
dans lequel M. le Supérieur donne les conseils et les règles les plus utiles, selon les circonstances, pour la vie spirituelle et la direction de ceux qui devront plus
tard diriger les autres.
L'historien du Séminaire nous dira un jour, quand i! en publiera les annales, les mérites particuliers des ecclésiastiques distingués qui ont été choisis par nos
Evêques et préposés à l'œuvre délicate et prudente de son gouvernement. Nous voulons, du moins, en consigner ici les noms.
SUPÉRIEURS DU GRAND SÉMINAIRE
Prêtres diocésains. .
Lequeux (J.-M. F.) . .
1832-1850
Gobaille (Léonard) .
1850-1858
.
Lazaristes.
Vayrières (Jean-Pierre)
1858-1871
Tournier (Eugène) . .
1871-1875
Guéneret (Jean-Julien)
1875-1886
Prêtres diocésains.
Bourse (Louis-Désiré)
1886-1890
Dequin (François)
1890-1894
Eudistes.
Tirhard (Jacques)
1894-1898
Prêtres diocésains
Littierre (Alexandre)
1898-
Dans les heures libres, chacun va à ses préférences. Il en est qui demeurent dans les grandes salles pour s'essayer et se combattre en divers pacifiques jeux
sur l'échiquier, le damier, ou le tapis drapé des billes d'ivoire. D'autres aiment mieux aller à l'air libre, sous le dôme des grands arbres, à l'entrée du petit parc,
et s'y livrer à des jeux de balles ou ballons donnant plus d'exercice et de mouvement. Des buttes et un jeu d'arc furent autrefois établis sur le savart des carrières
au dehors du grand parc.
Ceux-ci ont un attrait spécial pour les sciences sociales et se réunissent en groupes soit pour continuer la conférence qui a précédé, soit pour étudier d'autres
intéressants sujets. Les sciences sociales qui sont une nécessité de notre temps, ne sont pas sans quelques dangers, si l'on ne reste pas fidèle à la direction
des conducteurs légitimes à qui Dieu a donné la sagesse avec l'autorité.
Ceux-là qui prennent au loin un petit sentier menant hors du parc à un vieux et curieux ravin, vont y prendre une leçon pratique de géologie qu'ils ont
préparée et continueront à loisir dans leur Manuel. Ne leur faut-il pas interpréter plus tard devant des auditoires qui sont de plus en plus instruits et exigeants, le
poème que Moïse a chanté à la gloire de Dieu au premier chapitre de la Genèse ?
Il en est encore qui tiennent à étudier les sciences naturelles, entomologie, botanique, etc., la flore et la faune du domaine résumant celles de la contrée (14).
D'autres enfin, à l'approche d'examens pour la conquête des premiers lauriers académiques, littéraires ou théologiques, se consacrent activement à des revues
générales et entassent rapidément tout ce qu'ils peuvent dans les nombreux casiers de leurs mémoires.
Donc, un peu partout, sur les flancs de la colline, apparaissent les silhouettes de nos séminaristes, promeneurs, lecteurs ou causeurs.
Il y a aussi les bréviarisants. Ceux-ci, d'après les prescriptions canoniques, attendent pour commencer la récitation des Matines du jour suivant que le soleil ait
accompli la moitié de sa course de l'après-midi. Ils savent que l'autorité apostolique a récemment condamné, contre certains novateurs, tout enseignement et toute
pratique contraires (15).
Ils attendent l'heure régulière. Elle tarde un peu en cette saison d'été, et le soleil qui s'est élevé haut sur nos têtes ne semble point pressé de descendre pour
quitter notre horizon.
Une visite à l'église dans le cours de l'après-midi est non de précepte, mais de conseil. Elle se fait à l'heure que chacun choisit.
Ceux-là n'y manquent jamais et la prolongent au contraire volontiers, qui se trouvent presque à la veille du jour où ils doivent prendre des engagements
irrévocables. Ils vont donc, dans le silence et le recueillement du sanctuaire, prier, réfléchir et méditer, exposer leurs craintes, dire leurs espérances, demander
des lumières et des forces pour la décision suprême.
Dans quelques jours, vous les verrez devant leur évêque, et quand celui-ci leur demandera, dans une assemblée sainte, s'ils veulent persévérer dans leur
dessein et se donner à Dieu pour toujours, ils se porteront d'un pas en avant vers lui pour affirmer et manifester à tous, leur absolue et définitive résolution.
Chaque heure de l'après-midi a donc son emploi particulier. Il a pu varier selon les temps, parce que les traditions ont été difficilement conservées à travers les
diverses Directions qui se sont remplacées dans le dernier demi-siècle; mais chacune d'elles a contribué, à sa manière propre, à rendre la journée bonne. Et
vidit
Deus quod esset bonum.
Le dernier rassemblement se faisait autrefois en un petit oratoire rustique formé par des enlacements de branches et de brindilles. C'était la chapelle de
Notre-Dame des Charmilles. Là, sur un socle mousseux, une Vierge que les années avaient rendue vénérable, tendait les bras à ses enfants ; une prière lui
était chantée en un cantique latin que nous a laissé saint Anselme, du XII
e
siècle, et que nous attribuions à saint Casimir de Pologne qui aimait à le redire.
Nous donnons ici la reprise qui venait après chaque strophe. Elle est due au pieux et saint M. Gobaille.
Commendare
Me dignare
Christo tuo filio
Vitam meam
Ut habeam
Digne sacerdotio.
Mais, cet ancien petit oratoire n'est plus d'usage. Les siècles progressent. On l'a remplacé pour faire mieux et neuf. Essayons de le décrire tout en neuf.
Dans un quartier voisin et neuf, enceint de jardinets toujours remis a neuf, s'élève sur un socle neuf une Vierge d'aspect neuf. On lui chante des cantiques neufs
sur des airs neufs.
Mais, tout de même, si les chants sont neufs, les sentiments ne sont pas neufs, les termes seuls sont neufs.
Et ainsi le présent succède au passé. Il ne le renouvelle pas, il le continue. Sous le soleil, rien de neuf.
Aujourd'hui donc comme autrefois, quand le chant du soir est terminé, quand les adieux sont finis, et que l'écho de notre colline rentre dans son silence,
nos Séminaristes, l'esprit reposé et le cœur content, quittent la maison de campagne et reprennent le chemin de la ville, où ils retrouvent la Maison-Mère et la
cellule aimée.
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Nous avons fini. Le château de Mercin n'a jamais été sans honneur ou illustration. Dans les temps anciens, il fut la demeure de chevaliers qui, vassaux obligés,
engageaient leurs services à de nobles seigneurs pour gagner des richesses et de la gloire. Leurs successeurs se firent un nom célèbre dans les finances,
parlements et les intendances. Dans les temps présents, ce sont nos évêques qui font son honneur. Ce sont aussi des jeunes gens de vingt à vingt-cinq ans
qui se préparent à tous les nobles dévouements. Cœurs d'élite, dociles sous de sages directeurs qui sont leurs modèles, ils veulent, vassaux volontaires, se mettre
sans conditions, ni espoir de gloire sur terre, au service du Seigneur des seigneurs, du Suzerain des suzerains, et s'enrôler pour la vie dans les rangs des
chevaliers du Christ et de son Eglise. De ceux-ci les anciens auraient dit justement :
NOBLESSE DE ROBE SACRÉE PLUS QUE TOUTE AUTRE MOULT VAULT.
Chanoine ledouble.
APPENDICE
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ADDITION DEMANDÉE
LES BREVIARISANTS
Pour répondre à certaines préoccupations et à des demandes qui nous ont été faites, nous croyons devoir donner ici l'explication de ce que nous avons dit
incidemment à la page 35, en parlant des Bréviarisants.
La récitation privée des Matines ne s'est faite, dans les temps anciens que le jour même auquel elles appartenaient, c'est-à-dire après minuit; de là leur nom de
Matutinum.
Dans la suite, la récitation de cet office fut anticipée à la veille au soir, aux premières heures de la nuit : de là son nom de Nocturnum. Cette avance parut légitime à
ceux qui commençaient le jour civil au coucher du soleil, comme en Italie, et dans certaines provinces méridionales de la France, dans lesquelles l'usage persévéra
jusqu'au XIII
e
siècle?
Puis, l'on fit de nouvelles anticipations en distinguant entre le premier soir et le second soir, celui qui précède le coucher du soleil et celui qui la suit.
Du temps de Benoît XIV, l'usage généralement reçu était que l'on pouvait commencer la récitation des Matines du lendemain dès que le soleil avait parcouru la moitié
de sa course de l'après-midi. Il en fit la loi de l'Eglise et, par ses soins, furent établis les horaires que nous trouvons dans nos bréviaires.
Cependant les temps ont progressé et des théologiens se sont dit :
4
De même que l'anticipation des Matines à la veille de leur tour s'est faite successivement depuis les
premiers siècles de l'Eglise, pourquoi ne continuerait-elle pas d'évoluer en s'avançant davantage, ou du moins pourquoi ne pourrait-elle être fixée à deux heures de
l'après-midi durant toute l'année. Et pour eux, avoir posé, je ne dis pas la première partie de la question, mais la seconde, ça été la résoudre affirmativement.
Toutefois, les uns demandent que pour pouvoir devancer l'heure canonique et réciter les Matines en tout temps, à partir de deux heures, l'on ait quelque raison
valable, si petite soit-elle, et les autres se contentent du Stat pro ratione voluntas. Les uns et les autres ajoutent d'ailleurs que l'on n'a jamais besoin d'avoir recours à
un Indult apostolique, parce que l'on ne trouve nulle trace dans l'antiquité de permissions semblables sollicitées et obtenues du Saint-Siège pour légitimer les
anticipations anciennes.
Nous n'avons point à discuter ici le système de l'évolution ou les autres dires et postulats de ses partisans. Nous dirons seulement : De quelque manière que se soit
établi le passé, peu importa. Une loi a été posée par Benoît XIV. Elle n'est point abrogée. Elle doit être exécutée. L'autorité apostolique peut seule nous dispenser d'en
suivre les prescriptions.
Consultée sur la valeur de l'opinion de deux heures en toutes saisons, la Congrégation des Rites s'est contentée une première fois de répondre : Consulantur
auctores prohati (3 Julii 1883).
Mais quels étaient les auteurs approuvés? Légitimement, l'on dut placer parmi les approuvés les auteurs classiques de nos Grands Séminaires : Bouvier (édition
Fillion), Vincent S. S., Gury, etc. L'enseignement ancien n'admettait point que la discipline établie par Benoît XIV fût vaine, et ne fit point rè|;le absolue sans un Induit
du Souverain Pontife.
Les opposants s'en rapportèrent de leur côté à leurs auteurs propres et les trouvèrent de même approuvés. De part et d'autre, les deux armées gardèrent donc leurs
positions.
Tout récemment la cour de Rome a été consultée à nouveau et voici' sa réponse que nous trouvons rapportée officiellement dans l’Ordo ou directoire du diocèse
d'Amiens.
« Les Matines et les Laudes peuvent être dites la veille à partir de l'heure où le soleil est plus près de son coucher que de midi. Pour pouvoir les réciter en toute
saison à partir de deux heures de l'après-midi, il faut y être autorisé par un rescrit apostolique. L'opinion contraire n'est pas fondée (S. R. C., 9 Novembris 1901).
»
Cette déclaration est nette et précise; il nous a paru qu'elle terminait tout débat. C'est pourquoi, en ayant eu connaissance, nous avons été amené à dire,à la page
35, que l'opinion contraire se trouve ainsi condamnée dans son enseignement et dans sa pratique.
QUELQUES NOTES ETYMOLOGIQUES
Mercin. — Nous avons dit que le nom de Mercin vient de celui de son premier possesseur, qu'on latinisa Muercus ou Maurcius. Il y aurait là une origine franque,
et le premier chef qui fit de Mercin son domaine se serait sans doute appelé Mouerc, ou Maourc. Quelques-uns proposent une origine latine, Mauritius.Est-ce
vraisemblable? Mauritius aurait donné, comme partout ailleurs, Maurice.
Bacquencourt. — Le fief de Bacquencourt paraît devoir son nom à son premier possesseur, le seigneur Bacchanus, d'où
Baccbani Curtis, Baccancourt ou Bacquencourt.
le signe. — Le fief du Signe doit tirer son nom d'une enseigne, un signe qui aurait servi à désigner le siège du fief, la maison du possesseur. Ce signe a-t-il
été un étendard, un drapeau, Signum? Si l'on doit écrire Cygne, n'est-ce pas que l'enseigne en aurait montré l'image ?
le perle. — Le fief du Perle est ainsi appelé à cause des prés qui s'étendaient autour de la maison seigneuriale, et où le cadastre actuel nous montre les prés
l'Evêque et le rû de Woidon. Perle viendrait donc de Pratellum ou Pratella, petits prés. Avec la transposition de la lettre r, Prêle a donné Perle. N'avons-nous pas
Brebis et Bergerie? N'a-t-on pas aussi Breny et Berny? On peut donc avoir Perle, et Presle ou Prêle.
Pernant. — Le mot nantum veut dire eau, marais. Tous les Nanteuil sont situés dans des lieux bas, humides, marécageux. Le mot per, dérivé sans doute de
super, veut dire au-dessus de, et selon quelques auteurs, indique une privation : au-dessus de la région des eaux, n'ayant pas d'eau; ce qui convient tout à fait à
Pernant. L'eau n'y est pas abondante; les marais se montrent à la base de la colline où la voie ferrée de Soissons à Compiègne les traverse.
Bucy. — Buceium, Buciacus vient de Boschus, bois, dont on a fait Bosciacus et Buciacus.
NOTE SUR LE NOM DE BACQUENCOURT
DONNÉ AU CHATEAU DE MERCIN
Lorsque le nom terrien de Bacquencourt s'ajouta pour cause d'ennoblissement au nom familial des Dupleix, il parut convenir de le donner également au
château qui leur servait de résidence, bien qu'il n'eût point été le siège de l'ancien fief, et c'est ainsi que dans un acte de baptême de la paroisse de Bucy-le-Long
du 26 août 1743, où Anne Dupleix fut marraine, elle a été indiquée comme «demeurante au château de Bacquencourt en la paroisse de Mercin.»
Nous avions cru (voir page 13) que cette indication provenait d'une erreur de rédaction. Il n'en est rien. Le rédacteur a bien écrit ce que la sœur de M. Ange
Dupleix lui a dicté, et les hôtes du château entendaient bien donnera leur résidence le nom de Bacquencourt. Voici en effet un autre acte public du 12 octobre
1747 dans lequel c'est le seigneur lui-même qui donne ce nom à son château de Mercin. Citons-en le commencement; le commencement seul nous intéresse ici.
« Nous, Charles-Claude-Ange Dupleix, écuyer, conseiller, secrétaire du Roy, maison, couronne de France et ses finances, l'un de ses fermiers généraux,
seigneur du Cigne (sic), de Bacquencourt, du Perle et de la vicomte de Pernant, demeurant ordinairement à Paris, et présentement en son château dudit
Bacquencourt, sur le bon et louable rapport qui nous a été fait en la personne de Maître Jacques-Sanson Fabus de Maisoncelle. lui avons donné et octroyé...
l'office de procureur fiscal de notre terre et seigneurie du Cigne, de Bacquencourt, du Perle et dépendances. . »
Cet acte vient seulement de venir à notre connaissance, et nous n'avons pu en tenir compte dans la réimpression de la page 13 précédente.
D'autres actes perdus dans les archives des notaires ou des tribunaux pourront encore être remis en lumière dans, lesquels le château de Mercin serait
appelé château de Bacquencourt ; toutefois, la tradition que l'on a voulu établir dans ces actes isolés n'a pas eu le temps de se former et de rallier les habitudes
populaires. C'est peut-être notre modeste travail qui l'aura tirée un instant de l'oubli, et le château de MM. Dupleix de Bacquencourt n'a point perdu son vieux
nom, le château de Mercin.
RÉPONSE A DES ANIMADVERSIONS FAITES A L'AUTEUR SUR LES ÉTYMOLOGIES PRÉCÉDENTES
CLOTURE
Nous avons essayé de donner quelques notes étymologiques sur des noms ou des lieux cités dans notre étude sur le château de Mercin. Mal nous en a
pris. Nous avons reçu de la férule et tout le monde n'a pas le don, quand il frappe, d'avoir la main légère.
Faut il nous en plaindre? Nous aurions dû nous rappeler que la science de la genèse des noms est une science difficile, capricieuse, ombrageuse même, dont
les résultats vous échappent quelquefois d'un bond, au moment où vous pensiez les avoir atteints.
Pour nous, nous sommes loin de pouvoir courir comme d'autres dans cette carrière. Mais ne peut-il arriver que le plus inhabile ait parfois la chance de
rencontrer juste, là où les plus experts se perdent dans leurs recherches? C'est cette pensée qui nous a incité à faire nos premiers essais, et nous décide à les
détendre dans les points qui nous paraissent défendables.
mercin. Nous avons préféré l'origine franque à l'origine latine; nous nous en tenons là. Est-ce que les formes Muercinus, Muercyn, Murcin qu'on trouve en
plusieurs cartulaires du XIII
e
siècle (matton, T)ct. top.') ne nous sont pas favorables ?
Il va sans dire que le mot fundus, fonds de terre, se trouve sous-entendu avant les adjectifs latins, Maurcius, Muercinus.
bacquencourt, le signe, le perle, bucy. Les quatre étymologies sont maintenues.
pernant. L'on nous refuse l'étymologie de Nantum, eau,
marécage, et de Per dérivé de Super, au dessus de, marquant une
privation. Pernant est en effet au dessus
de la région des eaux, l'eau n'y est pas abondante, et les marais se montrent à la base de la colline.
Vraiment, cette étymologie n'est-elle pas jolie? Nous disons jolie parce qu'elle ne vient pas de nous. Nous l'avons trouvée toute faite, manuscrite, due à un
auteur inconnu, placée en marge de Pernant dans une nomenclature des cures de l'ancien diocèse de Soissons.
L'on nous objecte que les deux mots Per et nantum appartiennent à deux langues différentes. Pardon ! Ils sont tous deux de la langue latine.
Nant, mot celtique, est devenu Nantum en latin. Per, abrégé de Super, est aussi un mot latin. Il a remplacé un mot celtique à nous inconnu, mais qui avait
assurément la même signification.
Supernantum a ainsi donné Pernant en se décapitant. Toutefois le décapité a essayé plus tard de se faire revivre tout entier. On lit en effet Spernant, en 1143,
au cartulaire de Saint-Crépin-le-Grand (matton, Dict. top)
Notre étymologie de Pernant nous paraît donc bonne à garder.
EPILOGUE
Quel avenir est désormais réservé à notre château de Mercin, à ces lieux aimés où le lecteur a bien voulu nous suivre et dont nous lui avons rappelé
quelques souvenirs? Ne le devine-t-on pas? Pourrait-il avoir un autre sort que celui qui attend les biens de la mense épiscopale et des séminaires diocésains?
Les méchants se sont multipliés sur le sol de notre Patrie et leur audace n'a cessé de grandir.
Ils ont déclaré la guerre à Dieu, résolu de détruire son règne, de l'exiler lui-même de notre société.
Il ne faut plus que son nom soit prononcé sur terre. Ils donnent aux enfants, dès le jeune âge, des maîtres qui tuent dans leur cœur les germes de la foi au
Créateur comme aux espérances chrétiennes. De leurs écoles a disparu la figure du Christ Rédempteur.
Leur œuvre néfaste a déjà produit des fruits malheureux; ils la poursuivent sans relâche.
C'est aux églises qu'ils s'en prennent maintenant et au culte catholique.
Pour détruire celui-ci, ils vont réduire les églises à la pauvreté jusqu'à ce qu'ils les ferment, ou ne consentent à ne nous les laisser ouvertes qu'à des
conditions humiliantes et inacceptables, comme si les assemblées religieuses avaient quelque point de ressemblance avec les réunions publiques d'intérêt profane.
Ils se constitueront d'ailleurs les maîtres des ressources qui pourraient permettre au culte catholique de vivre.
Ils enlèveront aux chefs des diocèses les antiques demeures que leurs prédécesseurs ont bâties, et aussi ces séminaires qu'ils ont élevés à grands frais et
tout près d'eux pour surveiller le recrutement et la formation des pasteurs des paroisses, vrais amis du peuple.
Du même coup, ils priveront ces derniers de leurs presbytères, sauf à les obliger ironiquement à en faire la location s'ils ne trouvent point ailleurs quelque
chaumière où ils puissent habiter?
O temps! ô mœurs! faut-il dire avec le célèbre avocat de la Rome antique.
Est-ce donc que les principes, bases de toute morale, de tout droit et de toute justice, ont cessé d'être immuables?
Insensés ceux qui croiraient qu'il suffit de faire à Dieu le geste du renvoi, pour l'empêcher de se montrer à son jour et à son heure !
Insensés aussi ceux qui prétendraient que quelques mots habilement choisis et alignés en texte de loi, peuvent substituer un droit à un droit, et rendre
légitimes propriétaires ceux qui ne l'étaient pas !
Le divin Platon eût expulsé de sa République de tels législateurs.
Et toutefois, pendant que se façonnent ou s'expliquent les lois destructives qui doivent ainsi amonceler ruines sur ruines, que faisons-nous et que voyons-nous
faire autour de nous?
Il semble que le désir des jouissances a amolli les cœurs, éteint les grands sentiments, faussé les consciences, diminué les courages, rétréci les intelligences.
Il est petit le nombre de ceux qui ouvertement et avec courage, en dehors de nos chefs spirituels, combattent pour la vie et la liberté de l'Eglise.
D'autres, cependant catholiques au fond du cœur, gémissent en silence. Combien restent indifférents dans la lutte! Courbés sur leurs sillons ou attachés à
leurs machines, ils soignent et augmentent leurs richesses, et cette occupation leur suffit.
Pourtant, ô Français, mes frères, le salut de la Patrie est lié à celui de l'Eglise par qui elle a été fondée et rendue florissante. Levez-vous donc et prêtez main-
forte aux premières victimes, Vous êtes menacés vous-mêmes et votre tour viendra demain. Ne voyez-vous pas que tout va s'effondrer autour de vous ?
N'entendez-vous pas au milieu de tous les bruits de ce monde, une clameur sourde qui prophétise qu'aujourd'hui ce n'est qu'un commencement.
D'où viendra donc le secours ?
Grâce à Dieu dont le règne est immortel, grâce aussi à cette élite de défenseurs qui se multipliera pour mettre son activité,
son dévouement et ses sacrifices au service de l'Eglise, celle-ci vivra et se relèvera.
Pour vous, qui tenez les biens de la terre, avez-vous les mêmes assurances ?
Soissons, 10 décembre 1906,
en la veille du jour ou commença d'être exécutée la loi impie de la séparation.
Château de Mercin
depuis les premières années du XVIII siècle
(seconde partie)
(1)
Des
remises
pour
voitures
et
des
stalles
pour
chevaux
étaient
à
établir
pour
l'usage
des
évêques
dans un grand bâtiment de la cour d'exploitation.
(2)
La
Salle
des
Noyers
et
le
jardin
de
l'étang
formaient
une
seule
enceinte
sur
deux
niveaux
différents.
L'étang
n'était
qu'une
petite
pièce
d'eau
au
milieu
du
jardin.
(3)
M.
le
chanoine
Lécaillon
a,
depuis
des
années
déjà,
recueilli
leur
succession.
Il
sera
digne
de
ses
prédécesseurs.
Qu'il
me
permette
de
le
remercier
de
l'intérêt
amical
et
utile
qu'il
a
bien
voulu
prendre
à
mon
présent travail.
(4)
A
quelques
pas
de
l'entrée,
dans
l'allée
de
Maupas,
s'ouvre
sur
la
droite
un
chemin
qui
conduisait
autrefois
à
Mercin
et
est
aujourd'hui
intercepté
par
le
chemin
de
fer
de
Soissons
à
Compiègne.
En
s'y
engageant,
l'on
se
trouve
bientôt
à
un
bois
que
le
chemin
de
ter
a
fait
disparaître
en
grande
partie
et
que
le
cadastre
appelle
encore
Bois
'Dupleix,
du
nom
de
son
ancien propriétaire.
(
5)
La
croix
a
été
élevée
vers
1865
;
renversée
dernièrement
et
brisée
par
une
tempête
elle
n'a
pu
encore être rétablie
(6)
Mgr
de
Garsignies
était
ardent
et
entreprenant.
Il
dépassa
facilement
toutes
ses
ressources
et
laissa,
comme
on
le
sait,
une
très
lourde
dette
diocésaine
à
son
successeur.
Qu'on
nous
permette
de
rappeler
ici
ce
qu'en
dit
alors
S.
E.
Mgr
le
Cardinal
Gousset
:
«
Oui,
ce
très
bon
évêque
de
Soissons
n'a
jamais
écouté
que
son
cœur; il n'a pas assez consulté son gousset. »
(7)
Nous
voulons
volontiers
dire
ici
l'anecdote
authentique
suivante.
Le
fait
s'est
passé
dans
l'une
des
communes
des
environs
de
Soissons.
Mgr
Duval
en
avait
visité
l'église,
située
au
bas
d'une
côte
assez
rapide,
et
la
visite
terminée,
il
prit
son
élan
et
eut
tôt
fait
de
gravir
la
montée
pour
revenir
à
la
station
de
départ.
M.
le
Maire
de
l'endroit,
tout
haletant,
le
rejoignit
non
sans
peine,
et
après
un
instant
lui
dit
:
Monseigneur,
quand
vous
reviendrez
une
autre
fois,
j'aurai
soin
de
prendre ma voiture..
(8)
Né
au
Nouvion
en
1823,
curé
de
Montigny-
sous-Marle
en
1846;
d'Erlon
en
1849;
de
Mercin
en
1855 ; curé doyen d'Oulchy en 1857.
(9)
Citons
ici
l'église
et
la
ferme
seigneuriale
de
Berzy-
le-Sec
;
le
château
de
Septmonts,
ancienne
résidence
des
Evêques,
avec
sa
belle
tour
de
Saint-Prince
aux
étages
en
encorbellements;
l'église
de
Courmelles
et
les
vitraux
de
Bucy;
l'église
de
Missy
avec
son
portail
à
l'histoire
de
sainte
Radegonde
et
ses
person
nages
en
costume
du
XVI
e
siècle
;
la
verrerie
de
Vauxrot,
les
grottes
de
Pasly,
le
dolmen
de
Vauxrezis,-et
le
camp
du
Villé,
à
trois
kilomètres
de
Soissons,
où
quelques-
uns
s'attardent
encore
à
placer
le
Noviodunum
des
Suessiones.
(10) Cet oratoire a servi aux fidèles pour les offices publics
durant les travaux aits au portail et à l’intérieur de l'église
paroissiale
(11)
Ce n'est point ici le lieu de faire la description de
l'église de Mercin, que nous avons vue se transformer
sous nos yeux. Ce travail de rénovation et de
décoration intérieure est dû à M. l'abbé Rouillier qui,
après avoir administré sa paroisse pendant trente-deux
ans, vient de la quitter pour prendre sa retraite à
Soissons dans une jolie maison que son digne père s'est
fait construire sous les flèches de l'église de Saint-Jean.
S'il tenait ici notre plume, il ne manquerait pas de
remercier de tout son cœur les généreuses personnes
dont il a reçu si souvent de larges offrandes. Il m'a
semblé que je devais les remercier en son nom. Je ne
veux pas manquer a ce devoir.
La
population
de
Mercin
est
bonne
et
ouvrière.
Quel
malheur
qu'en
cas
derniers
temps,
la
politique
soit
venue jeter la division dans son sein!
(13)
L'impression
de
ces
lignes
a
subi
de
longs
retards.
Aujourd'hui,
ce
ne
sont
plus
des
simples
regrets
pour
une
absence
momentanée
de
Monseigneur
que
nous
avons
à
exprimer.
Nous
avons
à
nous
agenouiller
et
à
prier
sur
sa
tombe
prématurément
ouverte.
Dieu
n'a
point
exaucé
les
vœux
du
diocèse.
La
maladie
s'est
attaquée
à
tout
l'organisme
et
a
fait,
en
quelques
semaines,
de
terribles
et
rapides
progrès.
L'Eglise
de
Soissons
est
devenue
veuve
le
dimanche
16
septembre,
vers la sixième heure de l'après-midi.
(14)
La
superficie
du
domaine,
entre
murailles
et
haies,
comporte
un
peu
plus
de
vingt
six
hectares.
Les
terres
et
bois
des
carrières
avec
l'avenue
sur
le
plateau, comportent environ six hectares.
Un
herbier
réunissant
la
plupart
des
plantes
de
la
région avait été offert autrefois à Mgr Thibaudier.
Bien
que
la
faune
ne
soit
pas
considérable,
il
arrive
parfois
qu'un
étourdi
lapin
ou
un
levreau
inexpérimenté
viennent
se
découvrir
et
se
jeter,
pour
leur
perte, sous les pas des promeneurs.
Il
y
a
aussi,
comme
l'on
dit,
du
renard.
Citons
une
histoire
déjà
ancienne.
C'était
au
lendemain
de
la
guerre
allemande.
Un
jeune
vicaire
de
Soissons,
faisant
une
promenade
dans
le
bois,
ne
fut
point
peu
étonné
de
voir
un
certain
messire
Renard
venir
se
poster
justement
au
bout
de
sa
canne.
Mal
en
prit
à
l'imprudent
madré.
Sa
dépouille
se
voit
aujourd'hui
dans un presbytère de la
banlieue de Saint-Quentin.
Plus
récemment,
un
autre
rôdeur
s'est
laissé
enfumer
dans
sa
tanière,
C'était
une
punition.
N'avait-
il
pas
dévasté
la
cour
de
la
ferme
dans
la
nuit
précédente ?
Les
sangliers
et
les
cerfs
ne
peuvent
qu'y
être
de
passage,
s'il
arrive
qu'ils
soient
chassés
des
grands
bois peu éloignés.
(15)
Dans
l'Ordo
de
1905
du
diocèse
d'Amiens,
nous lisons l'avis officiel
suivant :
«
Les
Matines
et
les
Laudes
peuvent
être
dites
la
veille
à
partir
de
l'heure
où
le
soleil
est
plus
près
de
son
coucher
que
de
midi.
Pour
pouvoir
les
réciter
en
toutes
saisons
à
partir
de
2
heures
de
l'après
midi,
il
faut
y
être
autorisé
par
un
rescrit
apostolique.
L'opinion
contraire n'est pas fondée (S. R. C. 9 nov. 1901).