Histoire du Château de Mercin et Vaux
La
terre
de
Mercin
fit,
originaire
ment,
partie
des
domaines
que
les
chefs
gaulois,
romains
ou
francs,
se
réservaient
autour
de
leur
résidence,
et.
qu'ils
divisaient
ensuite
pour
récompenser
les
mérites
de
leurs
plus
illustres
soldats.
Les
divers
lots
pre
naient
les
noms
de
leurs
possesseurs,
et
c'est
ainsi
que
celui
de
Mercin
s'est
appelé primitivement Muercius ou
Maurcius. Avec le temps sont venues les altérations qui ont donné « Mer
cinus, Mercin ».
Au
IX
e
siècle,
Charles
le
Chauve
en
donna
ou
confirma
la
seigneurie
à
l'abbaye
de
Notre-Dame
de
Sois
sons.
Cette
seigneurie
fut
érigée
en
vicomte
au
XIII
e
siècle.
Dans le même temps des seigneurs
laïcs commencèrent à avoir sur une
partie du village, une juridiction et
des droits féodaux.
Ils
se
bâtirent
un
château
qui
n'eut
rien
d'un
château-fort.
Ce
fut
une
belle
habitation
rurale,
une
maison
de
plaisance
dans
laquelle
ils
venaient
se
délasser,
quand leur service dans
les armées leur en laissaient le loisir, car ils avaient des grades dans la mili
ce et faisaient partie de la noblesse.
La
maison
seigneuriale
se
compo
sait
d'un
corps
de
logis,
n'ayant
qu'un
rez-de-chaussée
flanqué
de
quatre
petites
tourelles
destinées
plutôt
à
l'ornementation. Une aile en re
tour supportait un étage à cause de la
déclivité du terrain et de la différence
de niveau.
Une petite ferme était annexée, avec
un gros colombier dans la cour. L'on
y arrivait de la « Rue du village »
par une avenue plantée de beaux ar
bres.
Devant
l'habitation
s'étendaient,
sur
l'ouest
et
sur
le
midi,
un
parterre
et
un
jardin
entourés
d'un
petit
parc
fermés
de
murs
et
plantés
de
grands
arbres
et
de
charmilles.
Le
château
et
le
petit
parc
étaient
eux-mêmes
enfermés
dans
un
grand
parc
s'étendant
sur
la
colline
et
for
mant
ceinture.
Il
était
boisé
de
toutes
les
essences,
et des murs le fermaient
sur presque tout son pourtour.
C'était donc une belle et agréable
résidence.
Le
domaine
de
la
seigneurie
com
prenait,
outre
le
château
et
ses
dépen
dances,
des
bois,
terres,
prés
et
vignes,
sur
le
territoire.
Il
fut
de
beaucoup
augmenté
au
commencement du XVIII
e
siècle et il s'accrut alors des trois
fiefs de Bacquencourt, du Signe et du
Perle, situés sur le territoire de Mercin et du voisinage
Le
fief
de
Bacquencourt
avait
son
siège
dans
une
maison
de
la
rue
du
Village.
Après
être
devenue
la
pro
priété
de
M.
de
Montesquieu,
de
Longpont,
puis
de
M. de Vuillefroy,
de Soissons, qui y logea Mme de
Clacy, sa tante, elle fut vendue à la
Commune pour être destinée à un
service public.
Avec
des
terres
et
des
bois
sur
le
territoire
de
Mercin,
le
fief
de
Bac
quencourt
allait
s'étendre
sur
celui
de
Pommiers
des
deux
côtés
du
che
min,
qui,
de
la
route de Compiègne
conduit au pont sur la rivière de
l'Aisne. Ces terres étaient plantées en
bois. C'étaient les bois de Bacquen
court. Ils ont disparu.
Avant
d'être
constitués
en
fief,
les
bois
de
Bacquencourt
avaient
un
passé
historique
qui
s'est
révélé
il
y
a
près
de
soixante-dix
ans.
En
les
défri
chant,
les
ouvriers
ont
mis
à
décou
vert,
en
1865,
un
vaste
cimetière
mé
rovingien
dans
la
partie
voisine
de
la
route
de
Compiègne.
De
nombreuses
tombes
en
pierre
furent
fouillées
et
l'on
trouva,
avec
les
squelettes,
quan
tité
de
couteaux,
poignards,
sabres
bien
trempés,
boucles,
boutons,
ba
gues,
colliers
et
bracelets,
même
un
briquet
à
feu.
Certains
signes,
des
croix
distinctement
gravées
sous
le
couvercle
d'un
sarcophage,
au-dessus
du
crâne
du
mort,
ont
permis
de
con
jecturer
que
le cimetière remontait
au V
e
siècle. Il avait été celui d'une
station militaire établie à proximité
de la ville pour sa défense.
Le
fief
du
Signe
ou
Cygne
était
situé
sur
le
territoire
de
Mercin
et
s'étendait
depuis
la
maison
actuelle
de
M.
Petit
de
Reimpré,
dans
la
di
rection
de
Vaux
et de Pernant.
Le fief du Perle avait son siège à
mi-chemin de Mercin à Vaux. C'est
dans son étendue que se trouve le la
voir municipal, construit en 1863.
Réunion au domaine du château
de .Mercin des fiefs
de Bacquencourt du Signe
et du Perle
Le
domaine
du
château
de
Mercin
appartenait,
dans
les
dernières
années
du
XVII
e
siècle,
à
Charles
de
la
Motte,
chevalier,
major
au
régiment
de
Cœuv
res,
qui
laissait
pour
héritiers
deux
filles
:
Madeleine,
mariée
à
Chrestien,
seigneur
de
Bonneuil
(Oise),
et
Elisa
beth,
mariée
à
Philippe
d'Hom
blières.
C'est
de
celle-ci
que
François
Dupleix, en fit l'acquisition en même
temps que des fiefs de Bacquencourt,
du Signe et du Perle.
Les
années
de
ces
acquisitions
ne
sont
point
exactement
connues,
mais
on
les
fixe
approximativement
d'après
des
indications
fournies
par
les
regis
tres
des
actes
de l'église paroissiale.
Le 13 juin 1652 : inhumation dans
le chœur de l'église de Simon Huger,
seigneur de Bacquencourt.
Le 8 juin 1710 : inhumation de
Claude Regnault, vivant, écuyer, sei
gneur du Signe, de Bacquencourt et
de Mercin en partie.
Le
21
septembre
1716
fut
bénite
la
moyenne
cloche
de
l'église
de
Mercin.
La
marraine
fut:Marie-Anne
Bouchet,
dame
du
Signe,
de
Bacquenc
ourt
et
de
Mercin en partie.
Le
26
janvier
1737,
on
relève
en
un
acte
de
mariage
la
signature
de
Charles-Claude-Ange
Dupleix,
écuyer,
seigneur
du
Signe,
de
Bacquencourt
et
du
Perle,
et de Mercin en partie,
vicomte de Pernant et autres lieux.
C'est
donc
après
l'année
1716
et
avant
l'année
1737,
qu'un
même
seigneur
s'est
trouvé
possesseur
du
châ
teau
de
Mercin
et
des
trois
fiefs
de
Bacquencourt,
du Signe et du Perle.
Famille Dupleix
La
famille
Dupleix
est
d'origine
Poitevine.
Un
descendant,
François
Dupleix,
donna
à
sa
famille
une
grande
illustration.
Né
à
Chatellerault
en
1664,
il
embrassa
la
carrière
des
finances
et
fut
envoyé
à
Landrecies
(Nord)
comme
contrôleur
général
des
domaines
du
Hainaut,
devint
fermier
général
et
aussi
(1719
à
1729)
direc
teur
de
la
Compagnie
des
Indes.
Il
avait
été
jeune
encore
écuyer
de
la
grande
écurie,
et
par
cette
fonction
avait
obtenu
la
noblesse
personnelle.
Il
épousa
à
Landrecies.
le
28
mars
1695,
Anne
de
Massac,
fille
de
Claude
dt
Massac,
écuyer,
avocat
au
parle
ment,
receveur
des
domaines
à
Lan
drecies,
et
d'Anne
Colin
son
épouse.
Par
son
honorabilité
et
son
activité,
il
amassa
assez
de
fortune
pour
acheter
vers
1720
de
grands
biens
à
Mer
cin,
Pernant,
Bucy
et
autres lieux.
Il eut trois enfants. L'un d'eux,
Charles-Claude-Ange Dupleix reçut
en héritage les biens du Soissonnais.
Il
naquit
à
Landrecies
en
1696.
En
1734
il
fut
reçu
conseiller
secrétaire
du
Roi.
Sa
charge
de
secrétaire
du
Roi
le
fit
entrer
dans
la
noblesse
hérédi
taire.
Sa
signature
a été relatée plus
haut dans l'acte d'un mariage célébré à Mercin en 1737.
Claude-Ange
Dupleix
se
maria
à
Paris
en
1724
à
Jeanne-Henriette
de
Laleu,
fille
de
Guillaume
de
Laleu.
conseiller
du
Roi,
qui
mourut
en
1736
après
lui
avoir
donné
trois
fils
:
Guil
laume-Joseph,
qui
prit
le
nom
de
Dupleix
de
Bacquencourt
;
Pierre-
François,
qui
s'appela
Dupleix
de
Perle
;
et
Marc-Charles-Antoine,
qui
fut
Dupleix
de Pernant.
Claude-Ange Dupleix mourut le
13 novembre 1750, dans son domi
cile, à Paris.
A sa mort, les biens du Soissonnais
furent partagés entre ses trois fils.
Guillaume-Josèphe Dupleix, né à
Bordeaux, le 13 août 1727, hérita du
château de Mercin, le fief de Bacquen
court avec la ferme et le château de
Bucy.
Il
était
de
la
noblesse
;
mais
com
me
l'abbesse
de
Notre-Dame
de
Sois
sons
s'appelait
dame
et
vicomtesse
de
Mercin,
il
ne
put
ajouter
à
son
nom
familial
que
le
nom
de son principal
fief, et devint M. Dupleix de Bac
quencourt.
Il
faut
cependant
se
garder
de
don
ner
au
château
de
Mercin
le
nom
de
château
de
Bacquencourt.
La
maison
qui
avait
été
le
siège
de
ce
fief
et
en
avait
porté
le
nom,
était ailleurs, dans
ou près de la rue du village.
Guillaume-Josèphe
Dupleix
de
Bacquencourt
suivit
la
carrière
du
droit
et
de
la
magistrature
et
occupa
une
place
considérable
au
Parlement.
Il
prit
part
le
10
mars 1789 à l'as
semblée générale des trois ordres du
bailliage de Soissons.
Son mariage en 1771 avec Jeanne
de Nogué, lui donna deux filles.
L'une, l'aînée, Augustine-Françoise
se maria au comte Henri de Montes
quiou-Fézensac et l'autre, Jeanne-Françoise resta célibataire.
Dupleix
de
Bacquencourt
résolut
de
créer
(1788)
sur
le
plateau
qui
do
mine
le
parc
du
château
de
Mercin
un
chemin
qui
en
rejoignant
la
chaussée
Brunehaut
et
la
route
de
Soissons
à
Paris
par
Villers-Cotterets,
lui
évite
rait
le
détour
par
Soissons
quand
il
se
rendrait
de
Paris
à
sa
campagne
en
carrosse.
Ce
serait
en
même
temps
un
embellissement
pour
le
domaine.
L'avenue
devait
avoir
une
largeur
de
trente
pieds
;
mais
comme
les
terrains
ne
lui
appartenaient
pas,
il
dut
en
faire
l'acquisition.
Son principal vendeur fut le monastère de Notre-Dame de Soissons.
Les autres parties de l'avenue fu
rent obtenues de divers propriétaires
par achat ou échange (1792).
On était alors en pleine révolution.
M. Dupleix pourrait-il jouir des travaux qu'il faisait exécuter.
Le
2
juin
1791,
il
avait
été
nommé
lieutenant-colonel
de
la
garde
natio
nale,
et
M.
de
Montesquieu,
son
futur
gendre,
colonel.
Leurs
signatures
se
lisent
sur
les
registres
de
la
commune
en
l'acte
de
leur
réception
du
même
jour.
Ils
n'assistèrent
point
toutefois
à
la
bénédiction
du
drapeau
qui
fut
faite
le
13
novembre
1791
en
pré
sence des gardes nationaux de Mercin et de Pommiers.
La
cérémonie
terminée,
le
cortège
se
rendit,
au
lieudit
la
Montinette,
où
l'autel
de
la
patrie
avait
été
dressé.
Puis
le
maire
Bordez
donna
lecture
de
la
constitution
du
3
sep
tembre
1791
et
le
capitaine
Duclerc
fit
prêter
serment
aux
mères
d'élever
leurs
enfants
dans
le
vertueux
amour
des
lois
et
décrets
de
l'assemblée na
tionale, dans la liberté et le maintien
de la constitution.
Bien
que
Dupleix
de
Bacquencourt
ne
fit
plus
au
château
que
de
rares
spparitions,
il
fut
suspecté
d'incivis
me,
et
le
1"
novembre
1793
le
ci
toyen
Pujol,
commissaire
du
canton
de
Soissons,
se
rendit
à
Mercin
pour
apprécier
l'état
des
lieux
et
le
degré
de
patriotisme
des
habitants,
afin
de
f
aciliter
les
réquisitions
de toutes
sortes dont la Nation avait besoin
pour ses armées.
Il
fit
son
rapport
et
déclara
que
tout
allait
bien.
«
T'ai
vu,
dit-il,
toutes
les
;marques
de
la
révolution,
entre
autres
un
arbre,
qui
donne
lieu
d'espérer
que
ia
révolution est aimée dans cette
commune et que la loi y sera obser
vée ».
(Cet arbre, qui pronostiquait si
bien, est un tilleul que l'on peut voir
encore bien vivant en face de l'église.
Il a 140 ans de plantation).
Le
château
changea
de
maître
en
1793.
Dupleix
de
Bacquencourt,
dé
claré
suspect
en
raison
de
ses
attaches
avec
le
gouvernement
déchu,
avait
été
condamné
à la guillotine. Il était
monté sur l'échafaud le 19 Messidor
An II, 7 juillet 1794, sans qu'aucun
souvenir soit parvenu sur cette exécution.
A la mort de Dupleix de Bacquen
court, la propriété du château de
Mercin passa à M. de Montesquiou-
Fézensac, son gendre. Il ne put en
jouir paisiblement.
De
1800
à
1816,
le
château
de
Mercin
devint
la
résidence
de
M.
Jean-Baptiste
de
Bonardy,
né
à
Digne
(Basses-Alpes),
où
son
père
exerçait
sans
doute
quelque
charge, et, dont le
château du Ménil, en Normandie,
avait été saccagé et détruit pendant
la Révolution.
Le
nouvel
arrivé
fut
bientôt
prié
d'accepter
la
mairie
de
la
commune
et
un
arrêté
préfectoral
l'y
nomma
en
effet
le
28
avril
1800,
mais
l'état
pré
caire
de
sa
santé
ne
lui
permit pas de
conserver ses fonctions plus de deux
ans.
Tout
en
ayant
quitté
la
mairie,
M.
de
Bonardy
ne
cessa
de
s'intéresser
a
la
commune.
Il
est
mort
le
12
jan
vier
1816
et
a
été
enterré
dans
le
cimetière
près
de
l'église. Sa tombe ne
peut s'y retrouver aujourd'hui. La
pierre qui la recouvrait a elle-même
disparu.
En 1816 le château redevint la propriété de Pierre-François-Henri de
Montesquiou-Fézensac.
Ce
fut
d'ailleurs
pour
peu
de
temps.
Car
dès
l'année
1818
le
do
maine
fut
acheté
par
l'abbé
Pottier,
chef
d'institution
à
Soissons,
qui
en
fit
une
maison
de
campagne et un lieu
de promenade pour ses élèves.
En
1828,
l'abbé
Pottier,
appelé
à
d'autres
fonctions,
se
trouva
dans
la
nécessité
de
vendre
son
domaine
de
Mercin
et
ce
fut
l'évêque
du
diocèse
de
Soissons
qui le lui racheta, mais il
ne l'habita jamais.
En 1842, quelques années avant sa
mort, il en fit don à l'évêché et au
séminaire.
Le
château
de
Mercin
resta
la
pro
priété
de
l'évêché
jusqu'en
1906.
A
cette
date
la
commune
en
devint
pro
priétaire
et
y
installa
la
mairie,
l'école
et
le
logement de ses maîtres.
A. SOLLIER,
Directeur de l'Ecole
de Mercin-et-Vaux.
Château de Mercin
depuis les premières années du XVIII siècle
Version extraite de celle du Chanoine Ledouble