“Le point du jour” de Mercin et Vaux
La famille Fontaine .......... (suite) I UNE FAMILLE BOURGEOISE Sociabilité et solitude Moins de dix ans après leur mariage, le temps des grossesses achevé, une nouvelle période commença, dominée par le travail interminable d’Arthur, une vie sociale omniprésente animée par lui, les maladies des enfants et celles de Marie de plus en plus souvent sujette à des « maladies féminines », imposant les unes et les autres des repos prolongés, le « bon air », des cures thermales et de longues « vacances » de début juin à fin octobre avec les petits, passées à nomadiser de Mercin à des lieux de villégiature, avec une sœur ou des parents et la domesticité. Les enfants étaient sous la responsabilité de leur mère de la naissance à l’entrée au petit collège. Ils passaient ensuite sous une responsabilité partagée, notamment lorsque, Marie étant en dehors de Paris, Arthur s’occupait un peu des devoirs « des grands » restés au collège. Mercin , comme pendant l’enfance d’Arthur, était un lieu de séjour fréquent pour la mère et les enfants qui y passaient une partie de l’année. Ils y retrouvaient leurs cousins germains, les enfants d’Émile et de Lucien, et, de temps en temps, les enfants de Madeleine et de Jeanne. Ils y formaient une petite bande Fontaine que frappaient indistinctement les maladies infantiles, soudant les belles-sœurs par de mêmes tracas . Arthur Fontaine les y rejoignait de temps en temps le week-end en train par la gare du Nord et Soissons d’où l’on venait le chercher en « voiture », Mercin n’étant qu’à cinq kilomètres. Les vies d’Arthur Fontaine et de Marie étaient ainsi souvent dissociées, à la différence de celles des Chausson ou des Lerolle qui ne se quittaient pratiquement pas. Le temps et l’espace de Fontaine et de Marie n’étaient donc pas identiques. Il n’y avait pas que les longs séjours de Marie à Mercin ou en villégiature pour les séparer. Arthur, pour des raisons professionnelles, se déplaçait souvent en province et à l’étranger. « Henri Lerolle et Ernest Chausson De par son mariage, nota Edouard Estaunié, Arthur Fontaine qui […] n’avait pas de grands goûts véritablement personnels, se vit ainsi projeté vers tout ce qui était l’art d’après-demain » . Cette alliance avait en effet un avantage autre que social et financier : elle permettait à Arthur Fontaine, grâce à ses deux beaux-frères, de s’allier à une fraction de la bonne société jusqu’alors inconnue de lui : l’élite artistique et littéraire. Cette donnée allait lui permettre d’augmenter significativement son capital d’une part symbolique distinguant. On l’a vu : il n’était pas encore marié qu’il signalait déjà fièrement à son administration cet élément de l’alliance projetée, comme facteur valorisant important. Son entrée dans ce monde nouveau se fit par le salon de son beau-frère Henry Lerolle. Celui-ci appartenait à une famille de la bonne bourgeoisie catholique parisienne. Rentier, il s’était tôt voué à la peinture, devenant un adepte d’une modernité tempérée et guère innovante, donc accessible à un large public bourgeois. En 1889, c’était un peintre officiel , membre du Salon, et très en vogue. Il devait son succès à des sujets religieux prisés par les femmes catholiques de la bonne société parisienne des années 1880. Il était l’un des fondateurs de la Société nationale des beaux-arts et peignait des portraits, des tableaux d’histoire, des paysages et des décors d’églises qui lui assurèrent la célébrité. Dans le tableau L’orgue , il peignit Marie, assise avec l’une de ses sœurs, écoutant la troisième chanter un chant religieux en attendant son tour. Il peignit un portrait de Mademoiselle Marie Escudier peu avant sa rencontre avec Fontaine. En émanaient une jeunesse éclatante, une beauté sauvage mais retenue, une sensualité paraissant canalisée par la foi vers la dévotion. Ce tableau eut sans doute pour fonction de trôner quelque temps chez lui pour attirer l’attention de jeunes gens. Les trois sœurs Escudier, ensemble ou séparément, en portrait ou de façon symbolisée ou métaphorique, servirent régulièrement de modèles à Lerolle et à ses amis peintres. Il habitait un hôtel particulier 20 av. Duquesne , à l’angle de l’av. de Ségur, orné de toiles de Fantin-Latour, Corot, Puvis de Chavannes, Renoir, Degas et Besnard. Maurice. Denis, peu après lui avoir vendu un tableau en 1891, lui peignit un plafond. Pas du tout sectaire en art comme en politique, il aimait les symbolistes, les impressionnistes et bientôt les Nabis qu’il découvrit parmi les premiers. La famille de Lerolle constitua un premier cercle dans lequel Arthur Fontaine pénétra. Le frère d’Henry, Paul Lerolle ( 1846-1912), était avocat et député conservateur . Il plaida tout au long des années 1890 et jusqu’en 1906 la cause du repos dominical . Il était également favorable aux retraites ouvrières sur la base de cotisations obligatoires pour les patrons et les ouvriers, abondées pour la mutualité par une subvention de l’État. Lerolle tenait un salon artistique et littéraire moderne. Y assistaient avec régularité Renoir, Degas et Besnard ainsi que, de temps en temps, le peintre J.M. Sert, les sculpteurs Devillez et Alfred Lenoir ; les jeunes Nabis Vuillard et Maurice Denis les rejoignirent. Y participaient aussi Mallarmé, Henri de Régnier et le poète Samain. S’y joindront au fil du temps, André Gide, Paul Claudel, Pierre Louÿs, Paul Valéry, Maurice Bouchor, Pierre Labo, Jules Tannery et Adrien Mithouard, qui deviendront tous des amis ou des relations de Arthur Fontaine. Henry Lerolle était aussi bon violoniste et découvrit peu à peu la musique moderne en se liant à Duparc qui habitait près de chez lui. E. Chausson lui fit connaître ses confrères dont certains devinrent des assidus du salon Lerolle : d’Indy, Bordes qui devint maître de chapelle à Saint-Germain-en-Laye grâce à l’intervention de Lerolle, Dukas, Camille Benoît, Pierre de Bréville, Raymond Bonheur, puis Debussy dont Chausson fit la connaissance en 1888 et avec lequel Lerolle se lia d’amitié à partir de 1893. (en attente ……….).
Le point du jour (2) ou l’histoire de la famille Fontaine à Mercin
Henry Lerolle, La répétition à l'orgue
Henry Lerolle par Renoir
Arthur Fontaine par Edouard Vuillard