Histoire du Château de Mercin et Vaux
Décrire à grands traits les lieux qui composaient le domaine du château de Mercin dans les premières années du dix-huitième siècle; y faire la rencontre des hôtes qui l'ont habité depuis, passer quelques instants en leur compagnie et rappeler quelques-uns des souvenirs qu'ils y ont laissés, dire enfin comment, depuis trois quarts de siècle, un nouvel état, tout différent de l'ancien, et non moins digne d'intérêt et d'attention, a succédé au passé: Tel est le but que nous nous proposons en écrivant ces lignes. La terre de Mercin fit, sans doute, originairement, partie des domaines que les chefs gaulois, romains, ou francs, se réservaient autour de leur résidence, et qu'ils divisaient ensuite pour récompenser les mérites de leurs plus illustres soldats. Les divers lots prenaient les noms de leurs possesseurs, et c'est ainsi que celui dont nous voulons dire l'histoire sommaire des deux derniers siècles, s'est appelé primitivement (Fundus) Muercius ou Maurcius. Avec le temps sont venues les altérations qui ont donné Mercinus, Mercin. (Voir les notes étymologiques à la fin). Au IX e siècle, Charles le Chauve en donna ou confirma la seigneurie à l'abbaye de Notre-Dame de Soissons. Cette seigneurie fut érigée en vicomte au XIII e siècle. Dans le même temps, des seigneurs laïcs commencèrent à avoir sur une partie du village, une juridiction et des droits féodaux. L'histoire n'en dit point l'origine. Ils se bâtirent un château qui n'eut rien, on le pense bien, d'un château-fort. Ce fut une belle habitation rurale, une maison de plaisance dans laquelle ils venaient se délasser, quand leur service dans les armées leur en laissait le loisir, car ils avaient des grades dans la milice et faisaient partie de la noblesse. La maison seigneuriale se composait d'un corps de logis, n'ayant qu'un rez-de-chaussée flanqué de quatre petites tourelles destinées plutôt à l'ornementation. Une aile en retour supportait un étage, à cause de la déclivité du terrain et de la différence de niveau. Une petite ferme était annexée, avec gros colombier dans la cour. L'on y arrivait de la rue du Village par une avenue plantée de beaux arbres. Devant l'habitation s'étendaient, sur l'ouest et sur le midi, un parterre et un jardin entourés d'un petit parc fermé de murs et planté de grands arbres et de charmilles. Le château et le petit parc étaient eux-mêmes enfermés dans un grand parc s'étendant sur la colline et formant ceinture. Il était boisé de toutes les essences, et des murs le fermaient sur presque tout son pourtour. C'était donc une belle et agréable résidence. Le domaine de la seigneurie comprenait, outre le château et ses dépendances, des bois, terres, prés et vignes sur le territoire. Il fut de beaucoup augmenté au commencement du XVIII e siècle, et il s'accrut alors des trois fiefs de Bacquencourt, du Signe et du Perle, situés sur le territoire de Mercin ou dans le voisinage. Le fief de Bacquencourt avait son siège dans une maison de la rue du Village. Elle va bientôt disparaître. Après être devenue, à la fin du XVIII e siècle, la propriété de M. de Montesquiou de Longpont ; puis de M. de Vuillefroy de Soissons, qui y logea M me de Clacy, sa tante, ses possesseurs actuels vont la vendre à la commune qui la destine à un service public. Avec des terres et des bois sur le territoire de Mercin, le fief de Bacquencourt allait s'étendre sur celui de Pommiers des deux côtés du chemin, qui, de là route de Compiègne, conduit au pont sur la rivière d'Aisne. Ces terres étaient plantées en bois. C'étaient les bois de Bacquencourt. Ils ont disparu. Cependant le Bois Dupleix, qui est resté, conserve le nom de l'un de ses derniers propriétaires. Le cadastre l'a nommé à tort Bois de Pleik. Le nom de Bacquencourt n'y existe plus. On ne le retrouve maintenant que dans les baux de location des terres qui ont remplacé les anciens bois (Etude de M e Thomas, à Soissons, Bail des héritiers Vuillefroy, 7 novembre 1896.) Avant d'être constitués en fief, les bois de Bacquencourt avaient un passé historique qui s'est révélé, il y a près de cinquante ans. En les défrichant, les ouvriers ont mis à découvert, en 1865, un vaste cimetière mérovingien dans la partie voisine de la route de Compiègne. De nombreuses tombes en pierre furent fouillées et l'on trouva, avec les squelettes, quantité de couteaux, poignards, sabres bien trempés, boucles, boutons, bagues, colliers et bracelets, même un briquet à feu. Certains signes, des croix distinctement gravées sous le couvercle d'un sarcophage, au-dessus du crâne du mort, ont permis de conjecturer que le cimetière remontait au V e siècle. Il avait été celui d'une station militaire établie à proximité de la ville pour sa défense. Le fief du Signe ou Cygne était, situé sur le territoire de Mercin et s'étendait, depuis la maison actuelle de M. Petit de Reimpré, dont une partie ancienne paraît avoir appartenu à la maison seigneuriale, dans la direction de Vaux et de Pernant. L'on peut croire que le canton du cadastre moderne appelé Le Cygne correspond à l'étendue de l'ancien fief. Ajoutons-y un bois situé à distance de ce canton et portant encore aujourd'hui le nom de Bois du Cygne. Tous les anciens actes écrivaient Signe et non Cygne. Nous écrirons Le Signe. Le fief du Perle avait son siège à mi-chemin de Mercin à Vaux, là où sur le cadastre on voit un groupe de trois ou quatre habitations. C'est dans son étendue que se trouve le lavoir municipal, construit en 1863. D'après les registres communaux, le lavoir est au lieu dit Le Perle. Le cadastre écrit La Perle, et aussi chemin de la montagne du Perle. Nous conserverons Le Perle. RÉUNION AU DOMAINE DU CHATEAU DE MERCIN des fiefs de Bacquencourt, du Signe et du Perle. Le domaine du château de Mercin appartenait, dans les dernières années du XVII c siècle, à Charles de la Motte, chevalier, major au régiment de Cœuvres, qui laissa pour héritières deux filles : Madeleine, mariée à Chrestien, seigneur de Bonneuil (Oise), et Elisabeth, mariée à Philippe d'Homblières. C'est de celles-ci que François Dupleix, dont nous dirons plus loin les origines, en fit l'acquisition, en même temps que des fiefs de Bacquencourt, du Signe et du Perle. Les années de ces acquisitions ne nous sont point exactement connues, mais on les fixe approximativement d'après des indications fournies par les registres des actes de l'église paroissiale. Nous y trouvons, en effet, les utiles renseignements qui suivent : « Le 13 juin 1692. Inhumation dans le chœur de l'église de Simon Huger, seigneur de Bacquencourt, en présence de Simon Huger, prêtre-chanoine de l'église cathédrale de Soissons, fils du défunt, et de Claude de Béthizy, prêtre, curé de Bonneuil, beau-frère, et de plusieurs parents et amis. Signé : Huger de Bacquencourt, Huger du Perle, de Béthizy. » (1) « Le 8 juin 1710. Inhumation de Claude Regnault, vivant, écuyer, seigneur du Signe, de Bacquencourt et de Mercin en partie, président trésorier de France en la généralité de Soissons. » « Le 21 septembre 1716. Fut bénite la moyenne cloche de l'église de Mercin et fut nommée Pierre-Marie-Anne par Pierre de Namptier, prêtre, curé du dit Mercin. Marraine : Marie-Anne Bouchet, dame des seigneuries du Signe, de Bacquencourt et de Mercin en partie. » Enfin, sous la date du 26 janvier 1737, nous relevons en un acte de mariage la signature de Messire Charles-Claude-Ange Dupleix, écuyer, seigneur du Signe, de Bacquencourt, du Perle et de Mercin en partie, vicomte de Pernant et autres lieux. C'est donc après l'année 1716 et avant l'année 1737, qu'un même seigneur s'est trouvé possesseur du château de Mercin et des trois fiefs de Bacquencourt, du Signe et du Perle, comme aussi de Pernant et d'autres lieux, parmi lesquels nous devons compter Bucy-le-Long. Mais la nature de l'acte qui nous donne la date de 1737, la solennité avec laquelle la cérémonie du mariage paraît avoir été accomplie, le grand nombre de personnes notables que le seigneur Charles- Claude-Ange Dupleix rassembla autour de lui, sont des circonstances qui induisent à croire qu'à cette date il avait déjà fait un certain séjour à Mercin; comme d'ailleurs l'on trouve sa signature à Bucy-le-Long en 1734; comme enfin nous dirons bientôt que ce n'est point lui-même qui avait fait les acquisitions de ces divers domaines, mais qu'il les avait reçus par héritage de son père, dont la date du décès reste aussi inconnue; l'on arrive à conjecturer assez raisonnablement que c'est vers 1720 ou 1725 que la famille Dupleix est arrivée en notre pays Soissonnais. Mais quelle était cette famille et d'où venait-elle ? C'est ce qu'il importe de dire ici. FAMILLE DUPLEIX La famille Dupleix, que certaine tradition (et ici nous envoyons à M. le marquis de Nazelles, de Guignicourt, et à M. le baron de Trétaigne, de Festieux, nos remerciements pour les intéressantes indications qu'ils ont eu la bonté de nous donner) considérait comme écossaise parce que l'un de ses membres fut attaché au service de Marie Stuart, en France, au milieu du XVI e siècle, est d'origine Poitevine. On la trouve dès l'année 1537 à Châtellerault (Vienne), en la personne de Guillaume Dupleix, y vivant, bourgeois. Il eut plusieurs enfants, dont le second, François, est le père de ceux que nous allons suivre. Antoine, son fils, s'est marié en 1622 à Jeanne Perrot, en la paroisse de Châteauneuf de Châtellerault. françois est issu de ce mariage, en 1634. Il épousa Elisabeth Maussion, en 1656, et en eut un fils nommé François comme lui. Celui-ci commença à donner à sa famille une plus grande illustration. François DUPLEIX Né à Châtellerault en 1664, il embrassa la carrière des finances et fut envoyé à Landrecies (Nord) comme contrôleur général des domaines du Hainaut, devint fermier général et aussi (1719 à 1729) directeur de la Compagnie des Indes. Il avait été, jeune encore, écuyer de la grande écurie, et par cette fonction avait obtenu la noblesse personnelle. Il épousa à Landrecies, le 28 mars 1695, Anne de Massac, fille de Claude de Massac, écuyer, avocat au parlement, receveur des domaines à Landrecies, et d'Anne Colin, son épouse. Il eut pour armes Ecartelé, au 1 er et 4 e d'azur au chevron d'or accompagné de deux poissons affrontés en chef, et en pointe d'une étoile, le tout d'argent, qui est de Dupleix ; aux 2 et 3, semé de carreaux d'or chargés chacun d'une étoile d'azur, qui est de Massac. Par son honorabilité et son activité, il amassa assez de fortune pour acheter, vers 1720, de grands biens à Mercin, Pernant, Bucy et autres lieux. Disons ici que la seigneurie de Pernant, qui avait le titre de vicomte, fut achetée de Joachim de Gédoyen, colonel du régiment d'Etampes, chevalier de Saint-Louis, descendant par sa mère de l'ancienne famille des Gonnelieu, et décédé en 1731. A cette date, François Dupleix possédait déjà Mercin, et à Bucy, le vieux château avec la ferme de la Montagne et quelques fiefs. Il eut trois enfants : Charles-Claude-Ange, à qui furent dévolus les biens du Soissonnais; Joseph-François (2), qui devint gouverneur de Pondichéry, et Anne- Elisabeth Dupleix (3). Charles-Claude-Ange DUPLEIX II naquit à Landrecies sur la fin de l'année 1696, et devint directeur de la vente du tabac et café en Guyenne, en résidence à Bordeaux, puis fermier général, et directeur de la Compagnie des Indes, conseiller secrétaire du Roi, maison, couronne de France et de ses finances (reçu en 1734)- Sa charge de secrétaire du Roi le fit entrer dans la noblesse héréditaire. Nous avons relaté plus haut sa signature dans l'acte d'un mariage célébré à Mercin en 1737. Il faut donner ici cet acte à peu près en entier; il est, en effet, intéressant en raison des notables personnages dont il nous fait connaître les noms, et avec lesquels le seigneur Dupleix avait déjà établi des relations ou qui étaient de sa famille. « Le 26 janvier 1777 - Mariage d'honorable personne M.Jean-Louis Mauroy, directeur général des domaines du Roi de la province du Hainaut, demeurant en la paroisse Saint-Géry de Valenciennes, évêché de Cambrai, fils majeur de défunt Antoine Mauroy, bourgeois de la ville de Noyon, et de M lle Jeanne Ferrier, ses père et mère, Et de D lle Anne-Marguerite Paret de Barfenaise de Montaut, fille de défunt Messire Paul-François Paret de Barfenaise de Montaut, vivant chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis et commandant pour le roi à Avesnes, et de Dame Claude-Jeanne de Massac, ses père et mère, de la paroisse Saint-Eustache de Paris, demeurant rue Vivienne, d'autre part. Le consentement pour que le mariage soit célébré à Mercin a été donné par M Pin, vicaire de la Paroisse de Saint-Eustache, le 12 courant; certifié par M. Vivant, vicaire général de Mgr l’Archevêque de Paris, le 15 du même mois. La célébration du mariage fut faite dans l'église paroissiale de Saint-Léger de Mercin, du consentement de M. Chauveau, curé de Mercin, par M. Barthélémy Carrelet de Rosay, prêtre, docteur en Sorbonne, grand archidiacre de l'église de Soissons, prieur de Montartaut, Et en présence de : 1° M. Jacques Ferry, bourgeois et marchand de la ville de Paris, beau-frère de l'époux; 2° M. Antoine Hugé, président et bailly du comté de Soissons; 3° M. Bertrand-Joseph Dourlère, capitaine au régiment de Richelieu ; 4° M. Jean-Antoine Sézille, seigneur du Buhat, conseiller du roi, président trésorier de France au bureau des finances de la généralité de Soissons ; 5° M. François-Joseph Bady, receveur des fermes et domaines à Avesnes en Hainaut, beau-frère et tuteur de l'épouse ; Messire-Charles-Ange Dupleix, écuyer, seigneur du Signe, de Bacquencourt, du Perle et de ce lieu en partie, vicomte de Pernant et autres lieux, conseiller secrétaire du roi, maison couronne de France, et de ses finances, ancien directeur de la Compagnie des Indes et l'un des fermiers généraux de Sa Majesté, cousin germain de l'épouse ; 7" M. Louis Arnauld, entreposeur des tabacs à Laon, aussi son cousin germain ; 8° M. Jean-Joseph Philippon, inspecteur de la manufacture royale des tabacs à Paris, allié ; 9° Dame Madeleine Paret de Barfenaise de Montaut, sœur de l’épouse; 10° Demoiselle Marie-Anne de Massac, cousine germaine; 11° M. Marie-Jacques Vavari de Varenne, conseiller du roi, receveur des tailles et gabelles à Montdidier, et Dame Marie-Angélique Laleu, son épouse ; Tous parents et amis qui ont signé avec les époux. D'autres emprunts au registre de l'église paroissiale nous font connaître les relations bienveillantes que les Seigneurs du temps entretenaient avec leurs fidèles serviteurs et tenanciers (4). « Le 30 janvier 1737. — Baptême de Marie-Andrée, fille de Henri Muzelle, fermier de la ferme de Cambronne, à Vaux. Parrain : André Ocher de Baupré, demeurant à Laon; marraine : Marie-Anne de Massac, cousine germaine de M. Dupleix. » « Sous l'année 1749, au 29 mai, le registre paroissial contient l'acte de douze mariages célébrés en une seule cérémonie, sous les auspices de M. Dupleix. Il y avait quatre jeunes filles de chacune des paroisses de Mercin, Bucy-le-Long et Pernant. Les mariages furent faits par M. Carrelet du Rozay, que nous avons déjà vu en 1737. IL avait reçu le consentement de M. Laurendeau, curé de Mercin ; Callay, curé de Pernant, et Pierrot, curé de Bucy. L'assistance ne fut point banale. Elle comprenait : Messire Charles-Claude-Ange Dupleix, seigneur du Signe, de Bacquencourt, le Perle, vicomte de Pernant et autres lieux; Messire Charles-Biaise Méliant, chevalier, conseiller du Roy en ses conseils, maître des requêtes ordinaires en son hôtel, ntendant de justice, police et finances en la généralité de Soissons; Messire Desnos de Kerjean, capitaine au régiment d'infanterie de la marine, en garnison à Pondichéry (Inde); Messire Augustin-Louis Erard, chevalier du roi, capitaine au régiment de cavalerie de Harcourt; M. Hugé, conseiller du roi, président et bailly du bailliage royal du comté de Soissons; M. de Vuillefroy, (décédé à Soissons en 1782, chevalier honoraire d'honneur au bureau des finances) ; M. le chevalier de Ray, et aussi les pères, tuteurs, curateurs, etc., des époux et des épouses.» Suivent les signatures. Remarquons ici toutefois que sur les douze époux, deux seulement déclarent ne savoir signer, mais que les douze épouses firent toutes la déclaration de ne le savoir faire. Dans une récente brochure intitulée : Un Village Soissonnais, bucy, M. Félix Brun, sur la foi de notes manuscrites de la Bibliothèque Nationale et du Musée Carnavalet, rapporte que M. Dupleix, en l'année 1734, aurait doté douze jeunes filles de ses terres du diocèse de Soissons. Ces notes ne feraient-elles pas confusion avec les douze mariages célébrés seulement en 1749 à Mercin ? Nous avons fait consulter les registres de la paroisse de Bucy pour les années antérieures, et les recherches ont été vaines, tant sur une cérémonie quelconque à Bucy que sur l'occasion ou les causes particulières qui déterminèrent le grand acte de bienveillance du seigneur du château de Mercin. M. Claude-Ange Dupleix s'était marié, en 1724, à Paris, paroisse Saint Paul, à Jeanne-Henriette de Laleu, fille de Guillaume de Laleu. conseiller du Roi et notaire au Châtelet de Paris, ancien échevin de cette ville, et de Marie Savalette, son épouse. Elle mourut en 1736, après lui avoir donné trois fils : Guillaume-Joseph, né en 1727, qui prit le nom de Dupleix de Bacquencourt et dont nous parlerons plus loin ; Pierre-François, qui s'appela Dupleix du Perle, né en 1734 (5), et Marc- Charles-Antoine qui fut Dupleix de Pernant (6), né en 1736. Il se remaria le 11 juin 1739 avec Marguerite-Françoise Bernard de Reims, chanoinesse de Lons-le-Saulnier, qui décéda sans enfants le 20 novembre 1742 et que l'inscription murale donné plus loin nous fera connaître ; enfin il contracta un troisième mariage en 174... avec Augustine Erard de Ray, fille de René-Augustin Erard, chevalier, baron de Ray, et de Marie-Françoise-Gabrielle de Château-Thierry. Elle lui survécut, et alla donner sa main au marquis de Payanne. Claude-Ange Dupleix mourut peu après, le 13 novembre 1750, dans son domicile à Paris sur la paroisse Saint-Eustache. Il n'avait pas cinquante-quatre ans. Il fut enterré dans le cimetière de cette paroisse à côté de ses deux premières femmes, et son cœur fut rapporté à Pernant pour y reposer, dans la chapelle de la Sainte-Vierge, à côté de celui de Marguerite-Françoise Bernard de Reims, comme en témoignent les deux inscriptions murales que nous reproduisons ici. D. 0. M. CŒUR de Dame Marguerite Françoise de Reims, fille de Messire Antoine Bernard de Reims, Chevalier, Baron du S t empire de Vannes, Seigr de Saulxure, Montlestroit, Housselmont, Barizey et autres lieux, Chambellan de S. A. R. le duc de Lorraine, et de Dame Elisabeth-Marthe-Christine de Lenoncourt son épouse, née à Nancy le 11 juin 1719, mariée à Charles Claude-Ange Dupleix, écuyer, Seigneur du Signe, de Bacquencourt, du Perle, vicomte de Pernant et autres lieux le 4 juin 1739, Décédée le 20 novembre 1742. Priez Dieu pour le repos de son Ame. Genus œquabat forma utrumque vincebat virtus conjux conjugi meritissimiœ hoc mœrens posuit monumentum. D. 0. M. CŒUR de Messire Charles-Claude-Ange Dupleix écuyer, Seigneur de la terre et Vicomte de Pernant, a fondé en cette église un service solennel à perpétuité le 13 9 bre pour le repos de son âme, et de celles de Dame Jeanne-Henriette de la Leu, sa première femme, de Dame Marguerite Françoise de Reims, sa seconde, et de Marie Augustine Erard de Ray, sa troisième et sa veuve, lorsqu'elle sera décédée, par un testament reçu par M° Rabouine, notaire au Châtelet de Paris, le 30 8 bre 1750. Requiescant in pace. Guillaume-Joseph DUPLEIX de BACQUENCOURT Né à Bordeaux le 13 août 1727, Guillaume-Joseph Dupleix partagea, en 1750, à la mort de son père, l'héritage du Soissonnais avec ses deux frères, Dupleix de Perle et Dupleix de Pernant. Son lot fut formé du château de Mercin et du fief de Bacquencourt, avec la ferme et le château de Bucy. Il était de la noblesse ; mais comme l'abbesse de Notre-Dame de Soissons s'appelait Dame et Vicomtesse de Mercin (7), il ne put ajouter à son nom familial que le nom de son principal fief, et devint M. Dupleix de Bacquencourt., ou simplement M. de Bacquencourt. Ainsi d'ailleurs avait fait son père, et bien qu'il fût plus généralement connu et désigné sous le nom de Dupleix seulement, le nom de Bacquencourt lui est donné dans des lettres aujourd'hui encore conservées (8), que Joseph Dupleix, gouverneur de Pondichéry, lui adressait des Indes, sous cette forme : A mon frère Dupleix de Bacquencourt. II faut cependant se garder de donner au château de Mercin le nom de château de Bacquencourt. La maison qui avait été le siège de ce fief et en avait porté le nom, était ailleurs, dans ou près la rue du Village, et comme nous l'avons dit, elle est destinée à disparaître bientôt tout à fait. Les nobles et vieilles demeures ne quittent point leurs noms d'origine pour prendre ceux des familles qui les viennent successivement habiter. Nous pourrions ici le faire voir par des exemples multiples. C'est donc irrégulièrement et par abus que dans un acte de baptême à Bucy, du 26 août 1743, le curé-rédacteur a indiqué la marraine Anne Dupleix (9) comme « demeurante au château de Bacquencourt en la paroisse de Mercin », à moins qu'elle n'ait habité, ce que nous ne supposons pas, le siège ancien du fief de ce nom. Il aurait dû écrire « demeurante au château de Mercin, chez M. de Bacquencourt. » Guillaume-Joseph Dupleix de Bacquencourt suivit la carrière du droit et de la magistrature et occupa une place considérable au Parlement. Reçu au grand conseil le 13 décembre 1752, à Page de 25 ans, il devint grand rapporteur en chancellerie et maître des requêtes le I er février 1756, et enfin président général du conseil le 3 septembre 1762. Il obtint en 1765, à La Rochelle, une lucrative place d'intendant général de la justice, de la police et des finances, et passa à Amiens en la même qualité en octobre 1766, à Rennes en 1771, et en 1775 à Dijon. C'est alors qu'il acheta en Bourgogne la terre et seigneurie de Courson (le Château), à quelques lieues d'Auxerre, qui lui valurent le titre de comte de Courson. Cette ancienne baronnie avait été érigée en comté en 1650, en faveur de l'illustre famille Coignet dont plusieurs membres se rendirent célèbres dans des ambassades ou comme baillis et gouverneurs d'Auxerre. Il prit part le 10 mars 1789 à l'Assemblée générale des trois Ordres du Bailliage de Soissons. Son mariage, en 1771, avec D lle Jeanne de Nogué, lui donna deux filles. L'une, l'aînée, Augustine-Françoise, se maria au comte Henri de Montesquiou- Fézensac dont il sera parlé plus loin, et l'autre, Jeanne-Françoise, resta célibataire. Dupleix de Bacquencourt, comte de Courson, était domicilié à Paris, rue Bergère, et au commencement de l'année 1788, il résolut de créer sur le plateau qui domine le parc du château de Mercin un chemin qui, en rejoignant la chaussée Brunehaut et la route de Soissons à Paris par Villers-Cotterèts, lui éviterait le détour par Soissons quand il se rendrait de Paris en carrosse à sa campagne. Ce serait en même temps un embellissement pour le domaine. L'avenue devait avoir une largeur de trente pieds; mais comme les terrains ne lui appartenaient pas, il dut en faire l'acquisition. Son principal vendeur fut le monastère de Notre-Dame de Soissons, et l'acte passé en cette circonstance le 14 février 1788, mérite ici une mention spéciale. Il eut lieu à l'abbaye même, au parloir des affaires. Les notaires furent Maîtres Darras et Ozanne, et le sieur Anne-Pierre-Louis-Pille, entreposeur des tabacs à Soissons, représenta M. de Bacquencourt. Les religieuses, toutes averties, furent convoquées au son de la cloche. Toutes ne vinrent pas. Nous donnons ici les noms de celles qui se présentèrent. Elles devaient, après quelques années, assister à la fermeture de leur monastère. Nommons donc : M mc Marie-Charlotte de la Rochefoucauld-Bayers, dame et abbesse de l'abbaye royale de Notre-Dame de Soissons; sœur Marie de Gamaches; sœur Elisabeth de Noue; sœur Florimonde de Colnet-Magny; sœur Hélène de Villedou; sœur Louise de Lamarck; sœur Thérèse des Châtelois; sœur Jeanne de Lamberty; sœur Françoise de Laage de la Brettolière; sœur Marie-Françoise de Laubespin; sœur Marie Catherine de Saint-Martin; sœur Marie Boullye, secrétaire du chapitre; sœur Adélaïde de Castres de Robert du Châtelet; sœur Flore de Sévïn; sœur Elisabeth de Leyris; sœur Charlotte de Nonancourt; sœur Marie-Anne Brossin de Mére; sœur Antoinette de Mausseron, sœur Jeanne d'Hémare; sœur Pélagie d'Auzaneau, et sœur Eléonore de Colnet, sous-prieure. Les autres parties de l'avenue furent obtenues de divers propriétaires par achat ou échange, et le dernier contrat fut signé avec M. Hugé de Valsor le 26 novembre 1792. On était alors en pleine Révolution M. Dupleix pourrait-il jouir des travaux qu'il faisait exécuter. Le 2 juin 1791, il avait été nommé lieutenant-colonel de la garde nationale, et M. de Montesquiou (10), son futur gendre, colonel. Leurs signatures se lisent sur les registres de la commune en l'acte de leur réception du même jour. Ils n'assistèrent point toutefois à la bénédiction du drapeau qui fut faite le 13 novembre suivant par le curé Grugy, en présence des gardes nationaux de Mercin et de Pommiers. La cérémonie terminée, le cortège se rendit, en chantant le Te Deum, au lieu dit La Montinette, où l'autel de la Patrie avait été dressé. Puis le maire Bordez donna lecture de la Constitution du 3 septembre 1791, et le capitaine Duclerc fit prêter serment aux mères d'élever leurs enfants dans le vertueux amour des Lois et Décrets de l'Assemblée Nationale, dans la liberté et le maintien de la Constitution. Bien que M. Dupleix ne fit plus au château que de rares apparitions, il fut suspecté d'incivisme, et le i" novembre 1793, le citoyen Pujol, commissaire du canton de Soissons, se rendit à Mercin pour apprécier l'état des lieux et le degré de patriotisme des habitants, afin de faciliter les réquisitions de toutes sortes dont la Nation avait besoin pour ses armées. Il fit son rapport et déclara que tout allait bien. « J'ai vu, dit-il, toutes les marques de la Révolution, entr'autres un arbre (11), qui donne lieu d'espérer que la Révolution est aimée dans cette commune et que la loi y sera observée. Après la messe, les habitants ont changé le bonnet de la Liberté (12) et ils en ont remis un neuf avec le cérémonial d'usage. » Cependant le même commissaire n'oublia pas de perquisitionner au château. Il y trouva cinq tableaux représentant des personnages de l'ancien régime et des papiers concernant la régie du sel ; mit les scellés sur ces objets et termina sa visite par une réquisition de vingt matelas, quinze couvertures et dix traversins. Le 18 suivant, le sieur Obé vint constater l'inventaire général des effets mobiliers dressé par Pujol. Son opération dura huit jours pendant lesquels il fut logé et nourri par les habitants. Il n'en laissa pas moins à la charge de la Municipalité une dépense de 54 livres. A cette date, le château avait changé de maître. M. Dupleix, déclaré suspect en raison de ses attaches avec le gouvernement déchu, avait été condamné à la guillotine. Il était monté sur l'échafaud le 19 Messidor An II, 7 Juillet 1794, sans qu'aucun souvenir nous soit parvenu sur cette triste exécution. M. le comte Henri de MONTESQUIOU-FEZENSAC et M me Augustine-Françoise DUPLEIX A la mort de M. Dupleix de Bacquencourt, la propriété du château de Mercin passa à M. de Montesquiou-Fézensac,(1768-1844) son gendre, époux de dame Augustine-Françoise, héritière de son père et de sa sœur Jeanne-Françoise, morte célibataire. Il ne put d'abord en jouir paisiblement. Le 11 juillet 1794 les scellés furent apposés sur les meubles du château par les citoyens Schoumacher et Bourdon, assistés du notaire Rigaux fils, commissaires envoyés par le Comité révolutionnaire de surveillance de Soissons, et la garde en fut confiée au sieur Thinot Pierre fils, cultivateur. La levée n'en fut faite que le 25 août suivant par les citoyens délégués Rigaux fils et Brinquant, et c'est alors seulement que M. de Montesquieu put prendre possession complète de sa propriété. Il ne devait point toutefois l'habiter (13) et en donna la surveillance à un jardinier, Louis-Pierre Monténécourt, et à un garde particulier, Louis-Joseph Brébant. De 1800 à 1816, le château devint la résidence de M. Jean-Baptiste de Bonardy, né à Digne (Basses-Alpes), où son père exerçait sans doute quelque charge, et dont le château du Ménil, en Normandie, avait été saccagé et presque détruit pendant la Révolution (14). Le nouvel arrivé fut bientôt prié d'accepter la mairie de la commune et un arrêté préfectoral l'y nomma en effet le 28 avril 1800, mais l'état précaire de sa santé ne lui permit pas de conserver ses fonctions plus de deux ans. C'est pendant son administration que furent-agités, sinon résolus, deux projets importants : celui de l'établissement d'une horloge communale (1 er juin 1800), et celui d'un bureau de bienfaisance (13 décembre 1801). C'est encore sous sa gestion que l'ancienne commanderie de Maupas, devenue la propriété d'un M. Thomas, et le domaine de la Motte appartenant à M. Tétart, avocat à Soissons, furent distraits du territoire de Mercin pour être réunis à celui de la ville, et que le chemin de Maupas conduisant à Pigeonville et aboutissant à la chaussée Brunehaut forma la délimitation entre les territoires de Soissons et de Vauxbuin d'une part, et celui de Mercin de l'autre, après le 3 mars 1802 Tout en ayant quitté la mairie, M. de Bonardy ne cessa de s'intéresser aux affaires de la commune, et le souvenir de ses grandes charités pour les pauvres a longtemps rendu son nom populaire dans Mercin. Il est mort le 12 février 1816 et a été enterré dans le cimetière près de l'église. Sa tombe ne peut s'y retrouver aujourd'hui. La pierre qui la recouvrait a elle-même disparu (15). M. de Montesquieu, auquel nous devons revenir comme propriétaire du château de Mercin, s'était rendu acquéreur en 1804 avec M. Dupleix de Mézy, cousin-germain de sa femme, des grands et beaux bâtiments de l'ancienne abbaye de Longpont avec ses cours, jardins et étangs. Vendus le 23 avril 1793 à Nicolas Beauvais, de Braine, ils avaient été revendus la même année à MM. Hutin et Pottier, frères, puis à M. Broutin de Clichy-la- Garenne ; enfin, ils étaient devenus en 1802 la propriété de M. l'abbé de Maussac (16), lequel voulait rétablir le culte dans la paroisse. C'est de lui que les rachetèrent M. Dupleix de Mézy et M. le comte de Montesquiou en 1804, et finalement ce dernier en resta seul propriétaire en 1807, par rachat de la part de M. de Mézy.. Il mourut en 1815, laissant deux fils et deux filles, et son fils aîné Henri de Montesquieu, devint par héritage et par acquisitions faites de ses cohéritiers, seul maître des domaines de Longpont et de Mercin. M. le comte Pierre-François-henri de MONTESQUIOU-FÉZENSAC Je viens de nommer Longpont. Pourquoi donc notre sujet ne demande-t-il pas que nous parlions de la merveilleuse restauration qui a fait de l'abbatiale et du domaine de l'ancien monastère une splendide demeure,(17) objet de l'admiration des visiteurs? Avec quel art, quelle délicatesse et quel goût profond tout a été relevé, réparé et décoré? Salles immenses, escalier monumental, larges galeries devenues de véritables musées où se pressent de nombreux objets d'art; au dehors, jardins, étangs, prairies, bois, cours d'eaux : le tout est entretenu comme le plus beau des salons. Et que dire des ruines de l'église du XII e siècle, véritable cathédrale? Rachetées en 1831 pour être sauvées d'une destruction complète, elles sont gardées comme de véritables reliques et des vestiges d'un glorieux passé. Enfin oublierions-nous la charmante chapelle qui a succédé à l'ancienne église paroissiale dont les ruines elles-mêmes ont péri et dont on ne peut plus fixer l'emplacement ? Etablie dans une portion d'un ancien cloître, elle possède, outre ses grandes richesses artistiques, ce qu'il y a de plus précieux encore : le chef de saint Denis l'Aréopagite et les restes sacrés du bienheureux Jean de Montmirel. Vraiment tout a été fait grand dans cette demeure où la courtoisie d'une noble famille se montre toujours envers les visiteurs égale à son illustration, et, faut-il le dire? on ne peut que s'étonner, en voyant pareilles splendeurs, qu'elles aient été primitivement destinées à abriter la pauvreté monastique. Mais n'oublions puis plus longtemps que c'est de Mercin que nous devons nous entretenir : Mercin, domaine plus modeste, moins étendu, moins varié, colline boisée, silencieuse et reposante, simple châtelet ou pavillon de campagne, qui va bientôt trouver la destination qui paraît le mieux lui convenir. A la mort de M. de Montesquiou en 1815, le château de Mercin passa à son fils, Pierre-François-Henri. Il était encore habité par M. de Bonardy. Mais à la mort de celui-ci, en 1816, il resta vacant et le nouveau propriétaire en donna la surveil-lance et l'administration à un ancien militaire, homme de confiance, nommé Lépine (18) Ce fut d'ailleurs pour peu de temps. Car, dès l'année 1818, le domaine fut acheté par M. l'abbé Pottier, chef d'institution à Soissons, qui en fit une maison de campagne et un lieu de promenade pour ses élèves. Monsieur l'abbé POTTIER Né à Cramaille le 31 août 1789 et vicaire de Soissons en 1813, M. l'abbé Pierre-Antoine-Eustache Pottier, fonda l'année suivante, de concert avec M. l'abbé Rosin, né à Berry-Saint-Christophe, un petit pensionnat dans l'ancien couvent des Capucins, sur la colline de Saint-Jean-des-Vignes, au pied des hautes et belles tours de l'ancienne église du monastère, échappées à la destruction et religieusement conservées jusqu'à présent comme le monument le plus remarquable de notre ville. Le pensionnat une fois installé et vite florissant, le zélé supérieur ne voulut point laisser s'échapper l'occasion qui se présentait à lui d'assurer à ses jeunes élèves, hors de la ville et de sa ceinture de murailles, une succursale à l'air libre pour les jours de congé, et, par des actes successifs, il se rendit acquéreur du château de Mercin et de ses dépendances (19). L'administration en fut donnée à M. Pottier son père, qui vint habiter avec sa femme le logis destiné au fermier. M. Pottier père était un homme pratique, et comme les acquisitions avaient coûté de grosses sommes, il fit presque immédiatement, pour une somme de 9.000 Irancs, une vente de grands arbres à M. Velch de Crouy. Il n'avait point assez demandé, et M. Velch céda sans tarder son marché à M. Lebrun, marchand de bois à Soissons, avec un bénéfice de 1,000 francs. Une autre vente suivit bientôt, comprenant 100 beaux tilleuls du quartier des Charmilles. N'était-ce point excessif, et n'aurait-on point à regretter plus tard ces dévastations ? L'intéressé administrateur eut soin en outre d'agrandir le potager aux dépens du parterre, afin de pouvoir alimenter suffisamment le pensionnat de son fils. Il fit aussi des achats de farine pour cuire à Mercin le pain qu'il faisait conduire à Soissons. Ouvert en 1814, le pensionnat des Capucins dura jusqu'en 1823. Il fut alors fermé, ou plutôt uni au Collège de la ville dont M. Pottier devint Principal, en remplacement de M. l'abbé Horlier qui le dirigeait depuis 1813. Transféré en la même qualité au Collège de Châlons-sur-Marne en 1828, M. Pottier se trouva dans la nécessité de vendre son domaine de Mercin, et ce fut l'Evêque même du diocèse qui le lui racheta pour remplacer le château de Septmonts et celui des Célestins de Villeneuve que la Révolution avait enlevés à ses prédécesseurs. M. Pottier ne resta que trois ans à Châlons-sur-Marne. Il revint dans son diocèse comme curé-doyen d'Anizy en 1831, et y ouvrit bientôt un petit pensionnat qui eut des années de prospérité, mais ne survécut guère à son fondateur décédé le 8 juillet 1858. Mgr jules-françois de SIMONY Pour faire ici la présentation du noble Prélat, nous répéterons cequi en est dit dans l'Etat religieux du diocèse, publié en 1880. « Né à Toulon le 29 juillet 1770, il reçut la tonsure à onze ans et entra dans la communauté des clercs de Saint-Sulpice. Contraint déporter les armes au commencement de la Révolution, il s'y distingua et devint quartier-maître. En 1793, il entreprit l'éducation du duc de Sully. La mort de ce jeune seigneur, arrivée en 1807, lui permit de rentrer au Séminaire Saint-Sulpice où il fut ordonné prêtre en 1810. » « II vint alors habiter le château de Monterollier (Seine-Inférieure), qu'il tenait de la libéralité de M me la duchesse de Sully, et jusqu'en 1819, s'exerça aux œuvres de zèle dans les paroisses voisines. » « Nommé en 1819 vicaire général de Chartres par Mgr de Latil, il suivit ce prelat à Reims en 1824, et fut lui-même désigné pour le siège de Soissons le 22 octobre de la même année II était, depuis 1822, aumônier du comte d'Artois, qui devint Charles X. » « Préconisé le 21 mars 1825, sacré à Saint-Sulpice le 24 avril, il prit possession de son siège par procureur et arriva à Soissons le 5 mai. Le 29 du même mois, il assistait au sacre du roi. » « Sa vie fut une suite non interrompue de bonnes œuvres et une pratique constante de toutes le: vertus. » L'acte qui mit Mgr de Simony en possession du domaine de Mercin est du 13 février 1829, et a été rédigé par M c Desèvre, notaire à Soissons (20). D'importantes réparations durent être faites sans retard au château, aux murs de clôture et aux chemins du grand parc. Le prélat en chargea le curé de la paroisse, M. Labrusse (21), qui y mit toute son activité; il pratiqua même de nouvelles voies, améliora les charmilles et fit une plantation de sapins le long de tous les chemins d'exploitation. Cependant une révolution éclatait à Paris dans les derniers jours de juillet 1830, et Mgr de Simony, l'ancien aumônier du comte d'Artois, allait en éprouver le contre-coup. Le bruit s'étant répandu à Mercin et à Soissons que des dépôts d'armes avaient été faits et cachés dans le parc épiscopal, le sous-préfet Denis de Senneville en avisa l'évêque dès le 14 août, et, comme on peut le croire, le prélat accueillit avec un sourire cette communication. Afin toutefois de faire tomber les bruits, il fut arrêté qu'une perquisition serait faite par le colonel Charpentier, commandant de la garde nationale, Détrez, capitaine, et Butel, lieutenant, avec le maire et l'adjoint de Mercin. Le délateur conduisit lui-même la brigade, et indiqua les endroits où il avait vu, disait-il, cacher les armes. L'on fouilla partout. Les terres avaient été par ci par là récemment remuées, mais c'était pour l'extraction des pierres ayant servi à la réfection des chemins. D'armes enfouies, il n'en fut trouvé nulle part. La dénonciation était calomnieuse; elle venait de la haine anti-cléricale. Son auteur devait subir la peine de sa faute. Chargé officiellement de la garde des champs et des propriétés d'une commune voisine, la perte de son emploi l'eût réduit à la misère ; Mgr de Simony se fit lui-même son défenseur. D'autres soucis furent créés au prélat dans l'année suivante. On se rappelle qu'en 1788, M. Dupleix de Bacquencourt avait, au moyen d'une acquisition de terrains, créé sur le haut de la montagne, une avenue destinée à mettre le parc du château en communication avec la route de Paris par la chaussée Brunehaut. Cette avenue, qui était la propriété de M. Dupleix, n'avait guère été défendue après sa mort. On l'avait laissée libre. Or, dans une reconnaissance générale des chemins vicinaux, le maire Paulmier émit la prétention que c'était en vertu d'un droit véritable et public que le passage y était libre à tous, et non en vertu d'une concession tacite des propriétaires. Le litige fut plaidé; la commune perdit sa cause et dut payer les frais. M. Paulmier avait aussi prétendu qu'une portion et quelques arbres de l'entrée du château étaient la propriété de la commune. Il fut débouté de même de cette seconde revendication. Mais nous dirons à sa louange qu'il se montra bon prince et qu'ayant entraîné le conseil municipal dans ces deux mauvaises affaires, il voulut lui-même en payer les frais, s'élevant à 606 francs. C'était bien cher pour l'élucidation d'un point de droit. La justice n'est pas gratuite en France. Si cela peut intéresser, nous ajouterons que le Tribunal de Soissons qui jugea ce double litige, se référa à la Coutume de Senlis en usage à Mercin et pays environnants avant 1789, et à l'article 691 du Code civil qui n'admettent pas les servitudes sans titres. Or, la commune ne put présenter aucun acte établissant la servitude ou sa propriété; le propriétaire, par contre, montra ses droits de propriété absolue et sans réserve. Mercin était le lieu préféré des sorties de Mgr de Simony lorsque le devoir ne l'appelait point à voyager de paroisse en paroisse à travers son grand diocèse. Il aimait à parcourir les allées silencieuses du parc, et venait s'y reposer des fatigues et des préoccupations de sa lourde administration. Il ne l'habita jamais.La charité du prélat était grande: les pauvres de Mercin étaient ses privilégiés. Chaque année, à l'approche de l'hiver, il recommandait au curé de la paroisse de faire en son nom des distributions de pain et de bois, comme de s'enquérir des misères cachées et de les secourir. Lorsqu'il vit après vingt-deux ans d'épiscopat que ses forces ne répondaient plus à son zèle, il déposa le 31 mai 1847 sa démission entre les mains du Souverain Pontife. Son successeur, Mgr de Garsignies, qu'il avait présenté lui-même à la désignation du gouvernement fut agréé par le roi Louis-Philippe et nommé par Pie IX. Il fut sacré à Soissons par l'archevêque de Reims, Mgr Gousset, le 25 février 1848, fête de saint Mathias. La nouvelle de la Révolution qui venait d'éclater à Paris avec le renversement du roi, arriva pendant la cérémonie et causa dans l'assemblée une vive émotion. Le préfet de l'Aisne qui était présent, reprit immédiatement le chemin de Laon. Mgr de Simony prit sa retraite dans une maison de la rue de Panleu, contiguë au Séminaire. On le vit encore de temps en temps à Mercin dont il avait laissé le domaine à ses successeurs et à son Séminaire. Il mourut le 24 février 1849, âgé de 78 ans
Charles II le Chauve 823-877
(1) Nous n'avons pas eu besoin de consulter nous-même les registres parois siaux de Mercin déposés à la mairie. Un ancien instituteur, M. Lévêque, en a fait de nombreux extraits dont le recueil nous a été communiqué bienveil lamment, Nous avons fait cependant contrôler les actes que nous citons. Le recueil de M. Lévêque contient en plus d'utiles renseignements dont nous avons profité. Nous lui témoignons ici la reconnaissance qui lui est due
(2) Joseph-François Dupleix, chevalier, seigneur des Gardes (Vienne), comte de La Ferrière, est le 1er janvier 1697 à Landrecies (Nord). Fils d'un directeur de Compagnie des Indes, il fut envoyé, jeune encore (c'était en 1720 et Dupleix n'avait pas 23 ans) à Pondichéry, comme membre du conseil supé rieur et commissaire des guerres. Il déploya un grand talent dans l'exercice de ses fonctions, fit en même temps le commerce et acquit une grande fortune. Il s'était marié à la veuve de M. Vincens, commissaire des guerres avant lui. Il releva de la ruine le Comptoir de Chandernagor dont il devint directeur en 1730. Nommé gouverneur de Pondichéry en 1742, et directeur général de tous les Comptoirs français, il déploya dans ce poste un génie supérieur, et résolut de fonder, au profit de la Compagnie des Indes, une puissance territoriale sur les débris de l'empire mongol. Il refusa, en 1746, de rendre Madras aux Anglais, malgré les conditions de la capitulation signée par La Bourdonnais. Les Anglais étant venus assiéger Pondichéry par terre et par mer, Dupleix en fit une mémorable défense et força l'ennemi à se retirer après un siège de quarante-deux jours. Il s'était fait céder par un prince de l'Inde neuf cents kilomètres des côtes et se lança dans plusieurs entreprises que la Compagnie regarda comme aventu - reuses. Le gouvernement de Louis XV ne comprit point non plus l'avantage qui en pouvait résulter pour la France. Il rappela Dupleix en 1754. Dupleix était ruiné. Il réclama en vain à la Compagnie treize millions qu'il avait avancés et dépensés pour elle. Le roi lui avait accordé le titre de marquis en 1752. Il était commandeur de l'ordre royal et militaire de Saint Louis, et chevalier de l'ordre de saint Michel. Sa femme étant morte en 1756, il épousa en secondes noces Mlle de Chastenay-Lanty dont il eut une fille. Descendance : famille d'Infreville (château de Robillard, près Saint-Pierre-sur-Dives (Calvados). Il mourut à Paris en 1763.
(3) Anne Elisabeth Dupleix, née à Landrecies le 25 décembre 1697, a épousé M. Desnos de Kerjean, capitaine au régiment d'infanterie de marine, et, après la mort de celui-ci, s'est remariée à M. Choquet, commissaire général de la marine. Elle est morte en 1780. Descendance : les familles de Falaiseau et Romanet qui sont représentées aujourd'hui par Mme la vicomtesse de Broc, au château des Feugerets, près Bellême (Orne).
Château de Mercin depuis les premières années du XVIII siècle
(4 Signalons ici une note inédite inscrite sur le registre paroissial et relative à l'église : 1741-1743. Interdiction de l'église Saint-Léger de Mercin pour cause de vétusté du clocher et de la nef. Les offices ont lieu dans la chapelle de Vaux- Saint-Nicolas, pendant le temps de la reconstruction du clocher et de la répara tion de la nef.
(5) Pierre-François-René Dupleix. seigneur du Perle, le 29 juin 1734, suivit la carrière du droit et occupa des positions élevées au parlement de Paris : substitut du procureur général en 1755, conseiller du grand conseil en 1756 après la démission de son frère aîné, puis grand rapporteur en chancellerie en 1757. Il ne se maria point et est décédé en 1825 à Paris.
(6) Marc-Antoine-Charles Dupleix, vicomte de Pernant, seigneur de Mézy, près Meulan (Seine-et-Oise), en 1736, maréchal de camp, chevalier de Saint Louis, mort en 1803. Il prit grande part le 9 mars 1789 à l'Assemblée générale des trois Ordres du Bailliage de Meulan et vota avec la noblesse. Il avait épousé en 1766 D lle Charlotte- Emilie-Olympe de Savalette de Magnan- ville dont il eut un fils.Charles-Joseph-René Djpleix de Mézy à Paris le 3 décembre 1766, successivement maire de Mézy, préfet de l'Aube, puis du Nord, directeur des postes (1816-1821), député du Nord, pair de France (1819), conseiller d'état, conseiller général de l'Oise, installé en ses fonctions de pair de France en 1832, commandeur de la Légion d'honneur, il est décédé à Paris le 6 Janvier 1835 et son corps a été ramené de Mézy à Guignicourt en 1863 ainsi que celui de sa femme par les soins de leur famille. Il s'était marié en l'an V à Antoinette-Joséphine- Gabrielle' Véron, fille de Louis-Grégoire Véron, écuyer, secrétaire du Roi, receveur des finances, et de Jeanne de Niquet, son épouse. Il eut plusieurs enfants, dont trois sont morts jeunes. Un autre, Ferdinand Dupleix de Mézy, est mort sans enfant en 1867, et D lle Caroline- Louise a épousé en 1827 Hérard, marquis du Cauzé de Nazelle. M. le marquis de Nazelle a eu deux fils. Le premier, Charles Hérard de Nazelle, est décédé à Guignicourt, père du marquis actuel, Hérard de Nazelle, D"' Charlotte, mariée à M. le baron de Trétaigne, à Festieux, de M. Ferdinand, lieutenant de vaisseau, et de M. René, lieutenant de dragons ; le second, François Ferdinand, est mort sans enfant en 1903. Il a eu aussi deux filles, Louise et Marie, auxquelles a été attribué le domaine de Pernant. La première, Louise, a épousé M. le comte de Balatier- Conyghan (Côte-d'Or), et la ferme d'en haut, ou le château, lui appartient. La seconde, Marie, a épousé M. de Mannourry de Croisilles (Saint-Germain- en-Laye) et possède la ferme d'en bas ou du Val. Parmi les enfants de M e de Croisilles, notons M lle Marguerite qui a épousé M. le marquis de Romance- Mesmon, fils du regretté baron de Romance, dont le nom a été si honora blement connu au tribunal de Laon et n'est pas oublié.
par le Chamoine Ledouble Soissons le 10 décembre 1906 Original : SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE, HISTORIQUE ET SCIENTIFIQUE DE SOISSONS 4, rue de la Congrégation 02200 SOISSONS
(7) Une cloche de l'église de Mercin, nommée Arnande, fut bénite en 1670, et est restée dans le clocher jusqu'en l'année 1863. Elle portait l'inscription suivante : « Le parrain a été Messire de Machaut, chevalier, conseiller du roi en tous ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de justice, police, finances en la généralité de Soissons ; la marraine, illustre princesse M lle Armande de Lorrine (sic), dame et abbesse de l'église et abbaye royale de Notre-Dame de Soissons, dame de mercin. » Dans la vieille ferme seigneuriale située au delà de la place du Carouge et ayant appartenu à l'abbaye de Notre- Dame, l'on peut voir encore à présent une remarquable grange du XIII e siècle formée d'une nef principale avec deux collatéraux. Cette nef communique avec les bas-côtés par de grandes arcades ogivales portées par des piliers dépourvus d'ornementation Des contreforts contribuent à consolider l'édifice. A l'un des pignons extérieurs, le long de la pente du toit, a été pratiqué un escalier qui conduit au sommet, sur lequel, sans doute, avait été placée une guette ( Lieu de guet, et plus particulièrement échauguette ou tourelle au sommet d’un chateau, d’un bâtiment.).
(8) Catalogue du château de Guignicourt
(9) Cette dame était sans doute la tante de M. de Bacquencourt, soeur de M. Claude-Ange Dupleix, et: non mariée encore à M. Desnos de Kerjean. D'ailleurs, elle n'a signé au baptême que par son nom de famille, Anne Dupleix.
(10) II se maria en 1792 à Augustine-Françoise-Marie, fille de M. de Bacquencourt.
(11) Cet arbre qui pronostiquait si bien est un tilleul que l'on peut voir encore bien vivant en face de l'église. Il a 115 ans de plantation
(12) L'auteur a omis de nous dire était cette Liberté dont le bonnet, pas vieux, était déjà déchiré
(14) Le Ménil est dans le voisinage de Bernay (Eure). M.de Bonardy vint s'établir à Mercin par un titre viager
(13) Son domicile était alors à Paris rue de Verneuil, à. Montesquieu, petite ville du département du Gers. L'origine de la famille remonte aux anciens ducs de Gascogne. Fézensac. petite ville de 3,000 habitants du même département, ancien chef- lieu d'un comté de l'Armagnac, province de Gascogne.
(15) Une circonstance particulière rappelait, il y a une trentaine d'années, son souvenir à Soissons et à Mercin. Son petit-fils ayant fait en Italie la rencontre d'une D lle Delahaye, arrière-petite-fille de M me . de Clacy, qui avait longtemps habité à Mercin une maison appartenant à M. de Vuillefroy, des relations se renouèrent entre les deux familles et se terminèrent par un mariage
(16) M. l'abbé de Maussac, ancien vicaire général de Beauvais avant la Révo lution, devint ensuite chanoine de Paris et vicaire général honoraire de Versailles,
(17) Elle est due principalement à M. le comte Fernand, fils de M. Henri et décédé en 1896.
(18) Un enfant étant bientôt après au sieur Lépine, M. de Montesquieu voulut, par estime pour son régisseur, que son propre fils en fût le parrain.
(19) Par acte du 14 octobre 1818, M. Pottier et M. Rosin achetèrent pour 17,800 francs le château, le petit parc, une partie de l'avenue amenant de la rue du Village à l'entrée principale. Le 1 er mars 1819, M. Rosin cédait sa part à M. Pottier. Par acte du 15 décembre 1824, M. Pottier acheta pour 25.000 francs l'en ceinte dite Salle des Noyers, contiguë au petit parc et à l'avenue du château, (on l'appelait Salle des Noyers parce qu'elle offrait sous l'ombrage de ses grands arbres touffus une vraie salle de repos); la seconde moitié de l'avenue et tout le grand parc, ainsi que la maison du garde placée à la porte principale du château. Le 4 octobre 1825, M. Pottier échangeait avec M. Brizet, docteur-médecin à Soissons, une parcelle de terre, enclavée dans le grand parc et appartenant à celui-ci, contre une autre parcelle de terre, lieu dit la fontaine des Quatre Livres, proche la porte cochère du grand parc dans le chemin qui borde ce parc à l'est. Enfin le 21 octobre 1826, M. Pottier acheta de M. de Montesquiou, moyen nant 1415 francs, les terres et bois des grandes carrières attenant au grand parc, ainsi que l'avenue qui conduit à la chaussée Brunehaut jusqu'à la pièce des héritiers Damoy
(20) Le prix total d'acquisition a été de 55.000 francs.
(21) M. Labrusse, à Menneville, était le neveu d'un ancien chanoine de Laon, qui au sortir de la Révolution avait ouvert un petit Séminaire dans sa famille. Il devint économe du grand Séminaire, puis chanoine titulaire.