d d d d d d d
Histoire du Château de Mercin et Vaux
LES ÉVÊQUES DE SOISSONS & LE GRAND SÉMINAIRE ______________________________ NOS SEIGNEURS LES EVÊQUES Ce n'est point à lui seul qu'avait pensé Mgr de Simony en achetant le domaine de Mercin ; il avait voulu en doter ses successeurs et aussi son Grand Séminaire, et il réalisa son généreux dessein par un acte de donation des I er octobre 1842 et 25 janvier 1843, passé par-devant M e Petit de Reimpré, notaire à Soissons. Cet acte fut approuvé par une ordonnance royale du 27 décembre 1844, Dans le domaine, l'habitation principale avec l'aile en retour et la petite cour enclavée, dite, dans l'acte, cour de l'Angélus, le parterre et les jardins avec le petit parc et ses clôtures formaient la part propre de l'Evêché (1). Au Séminaire était attribuée la propriété de la Salle des Noyers avec le jardin de l'étang qui y est contigüe (2), et deux bâtiments dont l'un était la maison du garde, pouvant être convertis en salles fermées et en abris pour les jours de mauvais temps. Tout le reste de la propriété, c'est-à -dire l’entrée ou avenue principale située près de la place du Carrouge, la grande cour et les bâtiments de service, le grand parc et, au dehors, les terres des carrières et l'avenue allant à la chaussée Brunehaut, tout restait commun entre l'Evêché et le Séminaire. En outre de ces dispositions principales, le donateur voulut que l'administration du domaine fût confiée à un prêtre choisi par l'évêque diocésain, et que les bénéfices annuels fussent partagés d'une manière égale entre les deux propriétaires, pour être employés de préférence à sa bonne tenue et à son amélioration. C'est à MM. les économes du Grand Séminaire qu'est toujours revenue, comme de droit, la charge de remplir les intentions de Mgr de Simony, et l'on sait avec quel soin ils l'ont fait (3). Comme bien l'on pense, il n'y eut qu'une voix dans le diocèse pour louer le généreux prélat, dès que sa dotation fut connue, et quand vint la circonstance solennelle de la retraite annuelle du clergé, l'orateur chargé de prononcer, au nom de tous, le discours qui en termine les exercices, ne manqua pas de lui témoigner par de chaudes paroles la reconnaissance qui était dans tous les cœurs. Nos Evêques se rendent volontiers à Mercin, quand ils peuvent en avoir le loisir, ou que quelque prélat ou un autre illustre personnage vient les visiter. Le trajet est court, quatre kilomètres du palais épiscopal à la maison de campagne. La route est agréable, soit que l'on suive le chemin de Compiègne qui a perdu son ancien pavage de grès et est devenu très doux, soit que l'on préfère aller par Maupas, ancienne comrnanderie de Malte réunie au XV e siècle à celle du Mont de Soissons, territoire de Serches (4) Dans les belles saisons, il fait bon de parcourir le domaine de la maison de campagne, d'admirer les grands arbres qui forment dôme sur la terrasse du petit parc, de suivre les chemins ombragés qui sillonnent la colline, de s'égarer dans les petits sentiers en devisant gaiement sur quelque sujet d'actualité, ou bien plutôt en s'entretenant gravement des intérêts de l'Eglise et des périls qui peuvent la menacer. Il fait bon aussi, malgré un peu de fatigue, de faire l'ascension du Calvaire. N'est-ce pas la condition de toute vie? Le Calvaire du grand parc s'élève tout là haut, vers le sommet de la colline, et les bras étendus de son Christ bénissent le château, l'église, le village et la vallée. Pour y arriver, la montée est raide depuis le saut de loup qui sépare le petit parc du grand, mais des bancs gazonnés et fleuris vous attendent formant ceinture autour du tertre de la croix et de sa grotte, et l'on y trouve un doux repos (5) On peut aller encore un peu plus loin, à l'oratoire de Saint-Joseph, ancien vide-bouteilles transformé par la piété en un saint asile au milieu d'un petit et agréable jardin. Que ne nous est-il donné de pouvoir reproduire ce qui s'est dit entre ces augustes personnages dans leurs moments d'effusion et toujours sages entretiens? Consignons du moins ici quelques souvenirs et inscrivons des noms que nos lecteurs auront certainement plaisir à se rappeler. C'était en 1855. Ils étaient sept prélats ayant répondu à l'appel fraternel de leur collègue de Soissons : S. E. Mgr le Cardinal Gousset, archevêque de Reims; NN. SS. de Prilly, évêque de Châlons; de Salinis, d'Amiens; Gignoux, de Beauvais; Alloux, de Meaux; Caverot, de Saint-Dié, et Chartrousse, de Valence. Avec quelle ardeur Mgr de Garsignies ne dût-il point leur parler des divers projets qu'il avait résolu d'exécuter pour le profit de son diocèse! Avec eux, dans les jours suivants, il allait consacrer la nouvelle église de Saint-Vaast, au faubourg de sa ville épiscopale; inaugurer à Prémontré une restauration de l'ordre de S. Norbert, avec adjonction d'un orphelinat ; puis, à Laon, rouvrir l'ancienne abbaye bénédictine de Saint-Vincent, pour y installer une colonie de missionnaires diocésains à côté d'une maison de retraite pour les vieux prêtres; enfin se rendre à Notre-Dame de Liesse pour un pèlerinage d'actions de grâces pour le passé, et de demandes pour l'avenir. L'avenir paraissait alors plein de promesses. Rome et Paris se donnaient encore la main(6). C'était ensuite en 1878. L'archevêque de Reims, Mgr Langénieux, et l'évêque de Châlons, Mgr Meignan, avaient été invités par MgrThibaudier à présider et diriger un congrès d'œuvres sociales à Soissons. Ils ne manquèrent pas de visiter la maison de campagne de Mercin. D'ailleurs, n'est-ce point là que Mgr Thibaudier menait toujours les prêtres de Lyon qui venaient chaque année chercher les conseils d'une sagesse que depuis longtemps ils avaient appréciée, et c'est en se promenant dans les allées du parc, à la manière des anciens péripatéticiens, qu'ils écoutaient la parole du Maître. Mgr Duval y amena S. E. le cardinal Thomas, dans une visite que lui fit à Soissons l'archevêque de Rouen. Il aimait du reste à y venir fréquemment. De son pas toujours accéléré, il devançait ses compagnons, et fut assurément plus d'une fois pour quelques-uns, l'occasion d'un peu de fatigue dans les allées montantes (7). A le voir aussi alerte, malgré le poids des années, aurait-on pu croire que dans la matinée même, il avait fait sans crainte, dans sa cathédrale, l'ascension de ces planchers mobiles élevés jusqu'à la hauteur des voûtes, sur lesquels d'habiles ouvriers travaillaient à rendre au vieil édifice son air de première jeunesse? Il était allé les encourager et les conseiller. C'est bien à lui que nous devons delà voir si belle. On la dirait sortie tout récemment des mains de ses créateurs du XIII e siècle. Mais, quel est donc ce visiteur qui nous arrive en compagnie de Mgr Deramecourt? Ce beau vieillard doit être quelque marquant personnage. Ne serait-ce point le directeur du journal l'Univers, le vaillant frère de celui qui fut le plus illustre des journalistes de ce temps, et sut pourfendre comme il faut les adversaires de l'Eglise et de ses libertés ? C'est lui-même. Il est en villégiature à Vauxbuin, et Monseigneur a voulu nous faire la bonne fortune de l'amener aux élèves de son Grand Séminaire qui sont aujourd'hui en leur jour de congé à Mercin. C'est une visite inattendue, mais avec quelle joie reçue! Pour un instant, il y a toutefois là-bas une personne en grande perplexité. Faut-il la nommer? c'est M. l'Econome. Voilà qu'il est midi, et il n'avait pas été prévenu. L'on ne supplée point facilement à l'imprévu en la maison de campagne. Mais peu importe, il prend une décision et tout se passera bien. Il sait d'ailleurs que le régal sera donné aux Directeurs et aux Séminaristes par les deux visiteurs eux-mêmes dans les belles et fortes allocutions qu'ils ne manqueront pas de leur adresser. Et il ne s'est point trompé. Il en a eu pour preuve les vifs et chaleureux applaudissements qui ont souvent souligné les paroles des deux orateurs discourant sur le danger des temps présents et de la nécessité de s'attacher aux directions pontificales. Elle a donc compté nombre d'illustres visiteurs notre campagne de Mercin. Mgr Dours, que j'aurais dû nommer plus tôt, aimait à aller s'y reposer avec son frère. « Je viens d'en compter les arbres », disait-il à M. Guyart, son vicaire général, qui fut son compagnon au Concile du Vatican et que les Italiens, le prenant pour S. Liguori revenu au milieu d'eux, saluaient du nom de Santo Alfonso, « Je viens d'en compter les arbres », et par là le vénérable prélat exprimait pittoresquement comment il avait essayé de faire trêve un instant à ses préoccupations administratives, que l'activité de son frère et vicaire général, M. l'abbé Hippolyte Cours, cherchait cependant à lui rendre plus faciles à porter. Dire les mérites et les excellences des Prélats Soissonnais qui depuis Mgr de Simony ont été appelés à jouir de sa grande libéralité serait assurément une entreprise louable, mais combien délicate ! N'est-elle point au-dessus de nos forces ? Saurions-nous même, en nous bornant à de simples esquisses, trouver le trait qui convient à chacun d'eux? Aussi bien, nous ne devons pas oublier que c'est l'histoire du château de Mercin que nous devons faire, et non celle du diocèse. Nous serons donc satisfait si, en rappelant ici leurs noms seulement, nous pouvons provoquer chez nos lecteurs quelques souvenirs reconnaissants. Mgr Paul-Afmand Cardon de Garsignies . 1848-1860 . Jean-Joseph Christophe 1861-1863 Jean-Jules Dours 1864-1876 Odon Thibaudier, transféré à Cambrai. 1876-1890 Jean-Baptiste Duval 1890-1897 . Augustin-Victor Deramecourt 1898 Nous ne manquerons pas assurément, de joindre ici comme dans une parenthèse nécessaire et que l'on nous reprocherait de ne point avoir ouverte, le nom de Mgr Mignot, à la science si étendue, à l'amitié si fidèle, né en ce diocèse, ancien vicaire général de Mgr Thibaudier et de Mgr Duval, devenu évêque de Fréjus, puis archevêque d'Albi. Il fut un grand ami de la campagne de Mercin. Dès l'année 1854, Mgr de Garsignies dont les projets généreusement conçus ne purent tous arriver à bonne fin, avait résolu de fonder un institut de Frères qui seraient dans les paroisses instituteurs et clercs laïcs à la fois. C'est au château de Mercin qu'il en plaça d'abord le siège. Les bâtiments étant insuffisants, il fit remonter d'un étage l'aile de l'habitation. L'on s'y trouva encore bientôt à l'étroit, le nombre des postulants s'étant accru rapidement. M. l'abbé Beaubouchez (8), supérieur de l'Institut, fut nommé curé-doyen d'Oulchy, en 1857, et il emmena avec lui la communauté des Frères de l'Immaculée-Conception. Il l'installa dans son vaste presbytère où, en 1819, M. Hurillon avait fondé un Petit Séminaire qui dura jusqu'en 1850. Mais, son état de santé ayant obligé le pieux supérieur de résigner sa cure d'Oulchy, le nouvel institut dut être transféré dans l'abbaye de Prémontré, récemment acquise par Mgr de Garsignies. Il n'y dura pas et fusionna quelque temps après avec celui des Frères de la Doctrine Chrétienne de Nancy. Tout en se rendant volontiers à Mercin pour leurs promenades quand les circonstances les y invitaient, Nos Seigneurs les Evêques ne s'y étaient jamais établis pour une villégiature de durée plus ou moins longue. Mgr Dours était allé chaque année passer le mois de septembre dans les Pyrénées, pays de son enfance. Mgr Thibaudier se rendait de même dans le Lyonnais d'où il nous était venu, et Mgr Duval retournait avec plaisir passer quelques jours en Normandie, au Hâvre-de-Grâce. Dans l'année qui suivit son arrivée à Soissons, Mgr Deramecourt voulut essayer de la campagne de Mercin pour y passer plusieurs semaines, et quelques pièces du château furent mises en état de le recevoir. La paroisse apprit cette nouvelle avec joie et l'on se concerta pour faire au prélat une réception digne de lui. Ce fut en effet une belle fête. C'était un dimanche, et tous se portèrent au devant de Sa Grandeur. La pacifique milice de nos campagnes était sous les armes, et le corps de musique prêta son concours. Le discours de bienvenue de M. le Maire fut très aimable et Monseigneur y répondit avec non moins de cordialité. Il devenait pour un temps citoyen de Mercin. A l'entrée de l'église, allocution de M. l'abbé Rouillier: « Ce sera toujours un honneur et une joie pour le curé de Mercin et pour ses paroissiens, que leur église soit devenue, au moins pour un temps, l'église de L’Evêque du diocèse » Réponse de Monseigneur, pleine de charme et d'abandon : «Nous espérons bien voir chaque dimanche des paroissiens aussi nombreux….. » Puis ce fut la Messe, au cours de laquelle Monseigneur donna l'homélie, écoutée dans le plus grand recueillement et avec le plus grand intérêt. A la suite, l'assemblée le conduisit au château et l'on se retira. Il était midi. Nous n'ajouterons qu'un mot. M. l'abbé Rouillier avait eu la délicatesse de réunir près de Monseigneur, MM. les Maires de Mercin et de Pernant avec quelques amis. Le repas fut gai et des toasts y furent portés. Mercin, on le sait, est très près de Soissons où se trouve le centre de l'administration diocésaine, et l'on peut facilement franchir la distance qui les sépare. Ce petit voyage, fait à pied, sous un ciel qui voile son soleil, ne peut-il d'ailleurs remplacer la promenade quotidienne? Quand on est loin du centre des affaires qui font vos graves préoccupations de tous les jours, l'on éprouve moins le besoin de s'en rapprocher, parce qu'on ne le peut pas, et alors l'esprit se repose plus facilement sur les fidèles remplaçants que l'on s'est donnés. Pour ces causes, Monseigneur ne trouva point à Mercin le repos qu'il avait espéré y obtenir, et dans les années suivantes, il prêtera s'éloigner en Artois, dans une maison familiale. LE GRAND SEMINAIRE Avant que le domaine de Mercin n'eût été acheté par Mgr de Simony, le Grand Séminaire n'avait point de maison de campagne. Il n'avait point retrouvé celle qu'il avait possédée à Vauxbuin avant la Révolution de 1789. Donc, aux jours de congé, philosophes et théologiens devaient pour prendre l'air et se reposer l'esprit, voyager sur les routes ou par les sentiers aux quatre points cardinaux. Ils n'avaient pas, comme les élèves plus jeunes des écoles, la ressource de s'arrêter aux carrefours des chemins pour s'y asseoir tranquillement ou s'y livrer à divers jeux. Leurs promenades, auxquelles on cherchait cependant à donner un but utile et agréable, comme la visite des églises et des lieux historiques du voisinage, ou l'ascension des collines d'où la vue s'étend sur la ville et sur la vallée (9), n'avaient point toujours le succès désiré, surtout quand le vent venait à se déchaîner tout à coup et à déchirer violemment les nuées du ciel, en faisant se déverser avec abondance sur les têtes une eau qui n'était point attendue. La donation de la maison de Mercin au Séminaire a donc été pour cet établissement un véritable et nécessaire bienfait. Entre Soissons et Mercin, nous l'avons dit, la distance n'est ni trop longue, ni trop courte; l'aller et le retour, avec une station nécessaire, donnent l'exercice que l'on doit chercher dans toute bonne promenade. L'on trouve d'ailleurs au château des salles contre les intempéries qui peuvent survenir. Le généreux donateur avait prévu que ces abris pourraient être aménagés dans deux bâtiments contigus à l'enceinte, dite Salle des Noyers; mais, grâce à une heureuse concession faite par nos Evêques, ce sont les pièces principales de l'ancienne habitation seigneuriale qui jusqu'ici ont été laissées à l'usage de nos Séminaristes. Si l'avantage est grand pour eux, dans toute l'année, de posséder la campagne de Mercin, n'est-ce pas cependant aux mois de mai et de juin qu'ils y trouvent les plus grandes jouissances, alors que ce n'est plus quelques heures seulement, mais bien la journée entière qu'ils y vont passer? Aussi est-ce dans la description d'une de ces belles journées que nous voulons nous réjouir avec eux. Que de fois, en la veille du jour privilégié, ils consultent le ciel et ses nuages ! Le jour venu, dès le grand matin, ils quittent la ville, cheminent doucement et gardent le silence tout en méditant à loisir. Voici Mercin et son église. Ils y entendent de suite la Messe. Il n'y a pas de chapelle au château, et si, en certaines années, l'on a ouvert un oratoire dans une chambre haute (10), l'on a bientôt renoncé à s'en servir... L'église paroissiale n'est-elle point toute voisine? N'est-elle point entretenue avec le plus grand soin, et les années successives n'y voient-elles point sans cesse de nouveaux embellissements? (11). A la suite delà Messe vient le déjeuner. Il est frugal, c'est vrai, mais tout de même bien accepté : la journée ne compte-telle pas déjà près de trois heures écoulées? Puis, c'est la dispersion. Oh! combien joyeuse et rapide! Allées et venues sous bois, rencontres amicales, conversations familières ou instructives, discussions courtoises ou lectures solitaires : voilà de quoi occuper la matinée. D'ailleurs cette matinée sera coupée par une réunion générale ou une conférence donnée aux philosophes et aux théologiens réunis, sur un sujet d'études communes à tous et qui n'exige point l'apport du bagage ordinaire des classes comme à la maison-mère. A midi, c'est le dîner. La cloche fait son appel. Les sentiers de la colline se vident en un instant. Le repas est gai et animé. La loi du silence prescrite par le règlement pour le Séminaire, n'existe pas pour la maison de campagne. L'air, puisé à pleins poumons, a aiguisé les appétits. M. l'Econome a donné au menu des jours ordinaires un accroissement utile. Dieu soit loué ! Après le repas, l'action de grâces. Dans une prière est rappelé le nom de l'évêque bienfaiteur. La table de Mercin, ne le devine-t-on pas? est hospitalière, et tout heureux invité garde, non sans espoir de retour, un bon souvenir de l'amical accueil reçu de MM. les Directeurs. M. le curé de la paroisse y a toujours sa place bienveillamment marquée. Il prête son église; n'y a-t-il point ici une application large de la règle canonique : Beneficium propter officium? Le jour de fête le plus beau est assurément celui où, avec ses vicaires généraux, Mgr l'Evêque vient s'asseoir à la table commune, pour donner à ces Messieurs du Séminaire un gage de son estime, et aux élèves une marque de son grand et paternel attachement. Mais au moment où nous écrivons ces lignes, juin 1906, nous avons le regret de penser que, cette année, la joie de la présence de Mgr Deramecourt en sa campagne de Mercin ne sera point donnée à ceux qui l'attendent. Le grand ébranlement de sa santé l'oblige à aller au plus vite, dès l'ordination générale faite en la Saint Pierre, chercher, dans une région privilégiée, les eaux salutaires, chargées par la Providence, des éléments, terres et métaux qui guérissent (13). Les heures de l'après-midi vont maintenant se succéder. Nous ne pouvons les suivre dans leur ordre naturel. Leur emploi a varié suivant les temps et les nécessités. C'est donc d'un ensemble un peu mêlé qu'il nous faut faire la contemplation, sans d'ailleurs prétendre atteindre tous les points particuliers. Disons de suite que deux réunions auront lieu. La première est une conférence où seront traités certains sujets non théologiques, canoniques ou scripturaires, mais afférents aux œuvres à établir ou à développer dans les paroisses. Elle est d'institution récente, l'assistance y est libre, et la présidence est exercée par l'un des conférenciers eux-mêmes quand M. le Supérieur se trouve empêché d'apporter à l'assemblée ses enseignements et ses lumières. En plusieurs circonstances, l'on a vu et entendu à cette réunion des praticiens éprouvés et connus pour avoir une grande expé-rience dans ces sortes d'œuvres sociales. La seconde réunion a lieu plus tard. Elle est générale; c'est un exercice de piété qui se fait chaque soir à la maison-mère et que l'on n'omet point à la maison de campagne. Le règlement lui donne le nom de Lecture spirituelle. Il commence, en effet, par une courte lecture faite dans un auteur choisi, traitant des vertus et des devoirs ecclésiastiques, et se poursuit par un commentaire dans lequel M. le Supérieur donne les conseils et les règles les plus utiles, selon les circonstances, pour la vie spirituelle et la direction de ceux qui devront plus tard diriger les autres. L'historien du Séminaire nous dira un jour, quand i! en publiera les annales, les mérites particuliers des ecclésiastiques distingués qui ont été choisis par nos Evêques et préposés à l'œuvre délicate et prudente de son gouvernement. Nous voulons, du moins, en consigner ici les noms. SUPÉRIEURS DU GRAND SÉMINAIRE Prêtres diocésains. . Lequeux (J.-M. F.) . . 1832-1850 Gobaille (Léonard) . 1850-1858 . Lazaristes. Vayrières (Jean-Pierre) 1858-1871 Tournier (Eugène) . . 1871-1875 Guéneret (Jean-Julien) 1875-1886 Prêtres diocésains. Bourse (Louis-Désiré) 1886-1890 Dequin (François) 1890-1894 Eudistes. Tirhard (Jacques) 1894-1898 Prêtres diocésains Littierre (Alexandre) 1898- Dans les heures libres, chacun va à ses préférences. Il en est qui demeurent dans les grandes salles pour s'essayer et se combattre en divers pacifiques jeux sur l'échiquier, le damier, ou le tapis drapé des billes d'ivoire. D'autres aiment mieux aller à l'air libre, sous le dôme des grands arbres, à l'entrée du petit parc, et s'y livrer à des jeux de balles ou ballons donnant plus d'exercice et de mouvement. Des buttes et un jeu d'arc furent autrefois établis sur le savart des carrières au dehors du grand parc. Ceux-ci ont un attrait spécial pour les sciences sociales et se réunissent en groupes soit pour continuer la conférence qui a précédé, soit pour étudier d'autres intéressants sujets. Les sciences sociales qui sont une nécessité de notre temps, ne sont pas sans quelques dangers, si l'on ne reste pas fidèle à la direction des conducteurs légitimes à qui Dieu a donné la sagesse avec l'autorité. Ceux-là qui prennent au loin un petit sentier menant hors du parc à un vieux et curieux ravin, vont y prendre une leçon pratique de géologie qu'ils ont préparée et continueront à loisir dans leur Manuel. Ne leur faut-il pas interpréter plus tard devant des auditoires qui sont de plus en plus instruits et exigeants, le poème que Moïse a chanté à la gloire de Dieu au premier chapitre de la Genèse ? Il en est encore qui tiennent à étudier les sciences naturelles, entomologie, botanique, etc., la flore et la faune du domaine résumant celles de la contrée (14). D'autres enfin, à l'approche d'examens pour la conquête des premiers lauriers académiques, littéraires ou théologiques, se consacrent activement à des revues générales et entassent rapidément tout ce qu'ils peuvent dans les nombreux casiers de leurs mémoires. Donc, un peu partout, sur les flancs de la colline, apparaissent les silhouettes de nos séminaristes, promeneurs, lecteurs ou causeurs. Il y a aussi les bréviarisants. Ceux-ci, d'après les prescriptions canoniques, attendent pour commencer la récitation des Matines du jour suivant que le soleil ait accompli la moitié de sa course de l'après-midi. Ils savent que l'autorité apostolique a récemment condamné, contre certains novateurs, tout enseignement et toute pratique contraires (15). Ils attendent l'heure régulière. Elle tarde un peu en cette saison d'été, et le soleil qui s'est élevé haut sur nos têtes ne semble point pressé de descendre pour quitter notre horizon. Une visite à l'église dans le cours de l'après-midi est non de précepte, mais de conseil. Elle se fait à l'heure que chacun choisit. Ceux-là n'y manquent jamais et la prolongent au contraire volontiers, qui se trouvent presque à la veille du jour où ils doivent prendre des engagements irrévocables. Ils vont donc, dans le silence et le recueillement du sanctuaire, prier, réfléchir et méditer, exposer leurs craintes, dire leurs espérances, demander des lumières et des forces pour la décision suprême. Dans quelques jours, vous les verrez devant leur évêque, et quand celui-ci leur demandera, dans une assemblée sainte, s'ils veulent persévérer dans leur dessein et se donner à Dieu pour toujours, ils se porteront d'un pas en avant vers lui pour affirmer et manifester à tous, leur absolue et définitive résolution. Chaque heure de l'après-midi a donc son emploi particulier. Il a pu varier selon les temps, parce que les traditions ont été difficilement conservées à travers les diverses Directions qui se sont remplacées dans le dernier demi-siècle; mais chacune d'elles a contribué, à sa manière propre, à rendre la journée bonne. Et vidit Deus quod esset bonum. Le dernier rassemblement se faisait autrefois en un petit oratoire rustique formé par des enlacements de branches et de brindilles. C'était la chapelle de Notre-Dame des Charmilles. Là, sur un socle mousseux, une Vierge que les années avaient rendue vénérable, tendait les bras à ses enfants ; une prière lui était chantée en un cantique latin que nous a laissé saint Anselme, du XII e siècle, et que nous attribuions à saint Casimir de Pologne qui aimait à le redire. Nous donnons ici la reprise qui venait après chaque strophe. Elle est due au pieux et saint M. Gobaille. Commendare Me dignare Christo tuo filio Vitam meam Ut habeam Digne sacerdotio. Mais, cet ancien petit oratoire n'est plus d'usage. Les siècles progressent. On l'a remplacé pour faire mieux et neuf. Essayons de le décrire tout en neuf. Dans un quartier voisin et neuf, enceint de jardinets toujours remis a neuf, s'élève sur un socle neuf une Vierge d'aspect neuf. On lui chante des cantiques neufs sur des airs neufs. Mais, tout de même, si les chants sont neufs, les sentiments ne sont pas neufs, les termes seuls sont neufs. Et ainsi le présent succède au passé. Il ne le renouvelle pas, il le continue. Sous le soleil, rien de neuf. Aujourd'hui donc comme autrefois, quand le chant du soir est terminé, quand les adieux sont finis, et que l'écho de notre colline rentre dans son silence, nos Séminaristes, l'esprit reposé et le cœur content, quittent la maison de campagne et reprennent le chemin de la ville, où ils retrouvent la Maison-Mère et la cellule aimée. ________________________ Nous avons fini. Le château de Mercin n'a jamais été sans honneur ou illustration. Dans les temps anciens, il fut la demeure de chevaliers qui, vassaux obligés, engageaient leurs services à de nobles seigneurs pour gagner des richesses et de la gloire. Leurs successeurs se firent un nom célèbre dans les finances, parlements et les intendances. Dans les temps présents, ce sont nos évêques qui font son honneur. Ce sont aussi des jeunes gens de vingt à vingt-cinq ans qui se préparent à tous les nobles dévouements. Cœurs d'élite, dociles sous de sages directeurs qui sont leurs modèles, ils veulent, vassaux volontaires, se mettre sans conditions, ni espoir de gloire sur terre, au service du Seigneur des seigneurs, du Suzerain des suzerains, et s'enrôler pour la vie dans les rangs des chevaliers du Christ et de son Eglise. De ceux-ci les anciens auraient dit justement : NOBLESSE DE ROBE SACRÉE PLUS QUE TOUTE AUTRE MOULT VAULT. Chanoine ledouble. APPENDICE ______________________ ADDITION DEMANDÉE LES BREVIARISANTS Pour répondre à certaines préoccupations et à des demandes qui nous ont été faites, nous croyons devoir donner ici l'explication de ce que nous avons dit incidemment à la page 35, en parlant des Bréviarisants. La récitation privée des Matines ne s'est faite, dans les temps anciens que le jour même auquel elles appartenaient, c'est-à-dire après minuit; de là leur nom de Matutinum. Dans la suite, la récitation de cet office fut anticipée à la veille au soir, aux premières heures de la nuit : de là son nom de Nocturnum. Cette avance parut légitime à ceux qui commençaient le jour civil au coucher du soleil, comme en Italie, et dans certaines provinces méridionales de la France, dans lesquelles l'usage persévéra jusqu'au XIII e siècle? Puis, l'on fit de nouvelles anticipations en distinguant entre le premier soir et le second soir, celui qui précède le coucher du soleil et celui qui la suit. Du temps de Benoît XIV, l'usage généralement reçu était que l'on pouvait commencer la récitation des Matines du lendemain dès que le soleil avait parcouru la moitié de sa course de l'après-midi. Il en fit la loi de l'Eglise et, par ses soins, furent établis les horaires que nous trouvons dans nos bréviaires. Cependant les temps ont progressé et des théologiens se sont dit : 4 De même que l'anticipation des Matines à la veille de leur tour s'est faite successivement depuis les premiers siècles de l'Eglise, pourquoi ne continuerait-elle pas d'évoluer en s'avançant davantage, ou du moins pourquoi ne pourrait-elle être fixée à deux heures de l'après-midi durant toute l'année. Et pour eux, avoir posé, je ne dis pas la première partie de la question, mais la seconde, ça été la résoudre affirmativement. Toutefois, les uns demandent que pour pouvoir devancer l'heure canonique et réciter les Matines en tout temps, à partir de deux heures, l'on ait quelque raison valable, si petite soit-elle, et les autres se contentent du Stat pro ratione voluntas. Les uns et les autres ajoutent d'ailleurs que l'on n'a jamais besoin d'avoir recours à un Indult apostolique, parce que l'on ne trouve nulle trace dans l'antiquité de permissions semblables sollicitées et obtenues du Saint-Siège pour légitimer les anticipations anciennes. Nous n'avons point à discuter ici le système de l'évolution ou les autres dires et postulats de ses partisans. Nous dirons seulement : De quelque manière que se soit établi le passé, peu importa. Une loi a été posée par Benoît XIV. Elle n'est point abrogée. Elle doit être exécutée. L'autorité apostolique peut seule nous dispenser d'en suivre les prescriptions. Consultée sur la valeur de l'opinion de deux heures en toutes saisons, la Congrégation des Rites s'est contentée une première fois de répondre : Consulantur auctores prohati (3 Julii 1883). Mais quels étaient les auteurs approuvés? Légitimement, l'on dut placer parmi les approuvés les auteurs classiques de nos Grands Séminaires : Bouvier (édition Fillion), Vincent S. S., Gury, etc. L'enseignement ancien n'admettait point que la discipline établie par Benoît XIV fût vaine, et ne fit point rè|;le absolue sans un Induit du Souverain Pontife. Les opposants s'en rapportèrent de leur côté à leurs auteurs propres et les trouvèrent de même approuvés. De part et d'autre, les deux armées gardèrent donc leurs positions. Tout récemment la cour de Rome a été consultée à nouveau et voici' sa réponse que nous trouvons rapportée officiellement dans l’Ordo ou directoire du diocèse d'Amiens. « Les Matines et les Laudes peuvent être dites la veille à partir de l'heure où le soleil est plus près de son coucher que de midi. Pour pouvoir les réciter en toute saison à partir de deux heures de l'après-midi, il faut y être autorisé par un rescrit apostolique. L'opinion contraire n'est pas fondée (S. R. C., 9 Novembris 1901). » Cette déclaration est nette et précise; il nous a paru qu'elle terminait tout débat. C'est pourquoi, en ayant eu connaissance, nous avons été amené à dire,à la page 35, que l'opinion contraire se trouve ainsi condamnée dans son enseignement et dans sa pratique. QUELQUES NOTES ETYMOLOGIQUES Mercin. — Nous avons dit que le nom de Mercin vient de celui de son premier possesseur, qu'on latinisa Muercus ou Maurcius. Il y aurait là une origine franque, et le premier chef qui fit de Mercin son domaine se serait sans doute appelé Mouerc, ou Maourc. Quelques-uns proposent une origine latine, Mauritius.Est-ce vraisemblable? Mauritius aurait donné, comme partout ailleurs, Maurice. Bacquencourt. — Le fief de Bacquencourt paraît devoir son nom à son premier possesseur, le seigneur Bacchanus, d'où Baccbani Curtis, Baccancourt ou Bacquencourt. le signe. — Le fief du Signe doit tirer son nom d'une enseigne, un signe qui aurait servi à désigner le siège du fief, la maison du possesseur. Ce signe a-t-il été un étendard, un drapeau, Signum? Si l'on doit écrire Cygne, n'est-ce pas que l'enseigne en aurait montré l'image ? le perle. — Le fief du Perle est ainsi appelé à cause des prés qui s'étendaient autour de la maison seigneuriale, et où le cadastre actuel nous montre les prés l'Evêque et le rû de Woidon. Perle viendrait donc de Pratellum ou Pratella, petits prés. Avec la transposition de la lettre r, Prêle a donné Perle. N'avons-nous pas Brebis et Bergerie? N'a-t-on pas aussi Breny et Berny? On peut donc avoir Perle, et Presle ou Prêle. Pernant. — Le mot nantum veut dire eau, marais. Tous les Nanteuil sont situés dans des lieux bas, humides, marécageux. Le mot per, dérivé sans doute de super, veut dire au-dessus de, et selon quelques auteurs, indique une privation : au-dessus de la région des eaux, n'ayant pas d'eau; ce qui convient tout à fait à Pernant. L'eau n'y est pas abondante; les marais se montrent à la base de la colline où la voie ferrée de Soissons à Compiègne les traverse. Bucy.Buceium, Buciacus vient de Boschus, bois, dont on a fait Bosciacus et Buciacus. NOTE SUR LE NOM DE BACQUENCOURT DONNÉ AU CHATEAU DE MERCIN Lorsque le nom terrien de Bacquencourt s'ajouta pour cause d'ennoblissement au nom familial des Dupleix, il parut convenir de le donner également au château qui leur servait de résidence, bien qu'il n'eût point été le siège de l'ancien fief, et c'est ainsi que dans un acte de baptême de la paroisse de Bucy-le-Long du 26 août 1743, où Anne Dupleix fut marraine, elle a été indiquée comme «demeurante au château de Bacquencourt en la paroisse de Mercin.» Nous avions cru (voir page 13) que cette indication provenait d'une erreur de rédaction. Il n'en est rien. Le rédacteur a bien écrit ce que la sœur de M. Ange Dupleix lui a dicté, et les hôtes du château entendaient bien donnera leur résidence le nom de Bacquencourt. Voici en effet un autre acte public du 12 octobre 1747 dans lequel c'est le seigneur lui-même qui donne ce nom à son château de Mercin. Citons-en le commencement; le commencement seul nous intéresse ici. « Nous, Charles-Claude-Ange Dupleix, écuyer, conseiller, secrétaire du Roy, maison, couronne de France et ses finances, l'un de ses fermiers généraux, seigneur du Cigne (sic), de Bacquencourt, du Perle et de la vicomte de Pernant, demeurant ordinairement à Paris, et présentement en son château dudit Bacquencourt, sur le bon et louable rapport qui nous a été fait en la personne de Maître Jacques-Sanson Fabus de Maisoncelle. lui avons donné et octroyé... l'office de procureur fiscal de notre terre et seigneurie du Cigne, de Bacquencourt, du Perle et dépendances. . » Cet acte vient seulement de venir à notre connaissance, et nous n'avons pu en tenir compte dans la réimpression de la page 13 précédente. D'autres actes perdus dans les archives des notaires ou des tribunaux pourront encore être remis en lumière dans, lesquels le château de Mercin serait appelé château de Bacquencourt ; toutefois, la tradition que l'on a voulu établir dans ces actes isolés n'a pas eu le temps de se former et de rallier les habitudes populaires. C'est peut-être notre modeste travail qui l'aura tirée un instant de l'oubli, et le château de MM. Dupleix de Bacquencourt n'a point perdu son vieux nom, le château de Mercin. RÉPONSE A DES ANIMADVERSIONS FAITES A L'AUTEUR SUR LES ÉTYMOLOGIES PRÉCÉDENTES CLOTURE Nous avons essayé de donner quelques notes étymologiques sur des noms ou des lieux cités dans notre étude sur le château de Mercin. Mal nous en a pris. Nous avons reçu de la férule et tout le monde n'a pas le don, quand il frappe, d'avoir la main légère. Faut il nous en plaindre? Nous aurions dû nous rappeler que la science de la genèse des noms est une science difficile, capricieuse, ombrageuse même, dont les résultats vous échappent quelquefois d'un bond, au moment où vous pensiez les avoir atteints. Pour nous, nous sommes loin de pouvoir courir comme d'autres dans cette carrière. Mais ne peut-il arriver que le plus inhabile ait parfois la chance de rencontrer juste, là où les plus experts se perdent dans leurs recherches? C'est cette pensée qui nous a incité à faire nos premiers essais, et nous décide à les détendre dans les points qui nous paraissent défendables. mercin. Nous avons préféré l'origine franque à l'origine latine; nous nous en tenons là. Est-ce que les formes Muercinus, Muercyn, Murcin qu'on trouve en plusieurs cartulaires du XIII e siècle (matton, T)ct. top.') ne nous sont pas favorables ? Il va sans dire que le mot fundus, fonds de terre, se trouve sous-entendu avant les adjectifs latins, Maurcius, Muercinus. bacquencourt, le signe, le perle, bucy. Les quatre étymologies sont maintenues. pernant. L'on nous refuse l'étymologie de Nantum, eau, marécage, et de Per dérivé de Super, au dessus de, marquant une privation. Pernant est en effet au dessus de la région des eaux, l'eau n'y est pas abondante, et les marais se montrent à la base de la colline. Vraiment, cette étymologie n'est-elle pas jolie? Nous disons jolie parce qu'elle ne vient pas de nous. Nous l'avons trouvée toute faite, manuscrite, due à un auteur inconnu, placée en marge de Pernant dans une nomenclature des cures de l'ancien diocèse de Soissons. L'on nous objecte que les deux mots Per et nantum appartiennent à deux langues différentes. Pardon ! Ils sont tous deux de la langue latine. Nant, mot celtique, est devenu Nantum en latin. Per, abrégé de Super, est aussi un mot latin. Il a remplacé un mot celtique à nous inconnu, mais qui avait assurément la même signification. Supernantum a ainsi donné Pernant en se décapitant. Toutefois le décapité a essayé plus tard de se faire revivre tout entier. On lit en effet Spernant, en 1143, au cartulaire de Saint-Crépin-le-Grand (matton, Dict. top) Notre étymologie de Pernant nous paraît donc bonne à garder. EPILOGUE Quel avenir est désormais réservé à notre château de Mercin, à ces lieux aimés où le lecteur a bien voulu nous suivre et dont nous lui avons rappelé quelques souvenirs? Ne le devine-t-on pas? Pourrait-il avoir un autre sort que celui qui attend les biens de la mense épiscopale et des séminaires diocésains? Les méchants se sont multipliés sur le sol de notre Patrie et leur audace n'a cessé de grandir. Ils ont déclaré la guerre à Dieu, résolu de détruire son règne, de l'exiler lui-même de notre société. Il ne faut plus que son nom soit prononcé sur terre. Ils donnent aux enfants, dès le jeune âge, des maîtres qui tuent dans leur cœur les germes de la foi au Créateur comme aux espérances chrétiennes. De leurs écoles a disparu la figure du Christ Rédempteur. Leur œuvre néfaste a déjà produit des fruits malheureux; ils la poursuivent sans relâche. C'est aux églises qu'ils s'en prennent maintenant et au culte catholique. Pour détruire celui-ci, ils vont réduire les églises à la pauvreté jusqu'à ce qu'ils les ferment, ou ne consentent à ne nous les laisser ouvertes qu'à des conditions humiliantes et inacceptables, comme si les assemblées religieuses avaient quelque point de ressemblance avec les réunions publiques d'intérêt profane. Ils se constitueront d'ailleurs les maîtres des ressources qui pourraient permettre au culte catholique de vivre. Ils enlèveront aux chefs des diocèses les antiques demeures que leurs prédécesseurs ont bâties, et aussi ces séminaires qu'ils ont élevés à grands frais et tout près d'eux pour surveiller le recrutement et la formation des pasteurs des paroisses, vrais amis du peuple. Du même coup, ils priveront ces derniers de leurs presbytères, sauf à les obliger ironiquement à en faire la location s'ils ne trouvent point ailleurs quelque chaumière où ils puissent habiter? O temps! ô mœurs! faut-il dire avec le célèbre avocat de la Rome antique. Est-ce donc que les principes, bases de toute morale, de tout droit et de toute justice, ont cessé d'être immuables? Insensés ceux qui croiraient qu'il suffit de faire à Dieu le geste du renvoi, pour l'empêcher de se montrer à son jour et à son heure ! Insensés aussi ceux qui prétendraient que quelques mots habilement choisis et alignés en texte de loi, peuvent substituer un droit à un droit, et rendre légitimes propriétaires ceux qui ne l'étaient pas ! Le divin Platon eût expulsé de sa République de tels législateurs. Et toutefois, pendant que se façonnent ou s'expliquent les lois destructives qui doivent ainsi amonceler ruines sur ruines, que faisons-nous et que voyons-nous faire autour de nous? Il semble que le désir des jouissances a amolli les cœurs, éteint les grands sentiments, faussé les consciences, diminué les courages, rétréci les intelligences. Il est petit le nombre de ceux qui ouvertement et avec courage, en dehors de nos chefs spirituels, combattent pour la vie et la liberté de l'Eglise. D'autres, cependant catholiques au fond du cœur, gémissent en silence. Combien restent indifférents dans la lutte! Courbés sur leurs sillons ou attachés à leurs machines, ils soignent et augmentent leurs richesses, et cette occupation leur suffit. Pourtant, ô Français, mes frères, le salut de la Patrie est lié à celui de l'Eglise par qui elle a été fondée et rendue florissante. Levez-vous donc et prêtez main- forte aux premières victimes, Vous êtes menacés vous-mêmes et votre tour viendra demain. Ne voyez-vous pas que tout va s'effondrer autour de vous ? N'entendez-vous pas au milieu de tous les bruits de ce monde, une clameur sourde qui prophétise qu'aujourd'hui ce n'est qu'un commencement. D'où viendra donc le secours ? Grâce à Dieu dont le règne est immortel, grâce aussi à cette élite de défenseurs qui se multipliera pour mettre son activité, son dévouement et ses sacrifices au service de l'Eglise, celle-ci vivra et se relèvera. Pour vous, qui tenez les biens de la terre, avez-vous les mêmes assurances ? Soissons, 10 décembre 1906, en la veille du jour ou commença d'être exécutée la loi impie de la séparation.
Château de Mercin depuis les premières années du XVIII siècle (seconde partie)
par le Chamoine Ledouble Soissons le 10 décembre 1906 Original : SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE, HISTORIQUE ET SCIENTIFIQUE DE SOISSONS 4, rue de la Congrégation 02200 SOISSONS
(1) Des remises pour voitures et des stalles pour chevaux étaient à établir pour l'usage des évêques dans un grand bâtiment de la cour d'exploitation.
(2) La Salle des Noyers et le jardin de l'étang formaient une seule enceinte sur deux niveaux différents. L'étang n'était qu'une petite pièce d'eau au milieu du jardin.
(3) M. le chanoine Lécaillon a, depuis des années déjà, recueilli leur succession. Il sera digne de ses prédécesseurs. Qu'il me permette de le remercier de l'intérêt amical et utile qu'il a bien voulu prendre à mon présent travail.
(4) A quelques pas de l'entrée, dans l'allée de Maupas, s'ouvre sur la droite un chemin qui conduisait autrefois à Mercin et est aujourd'hui intercepté par le chemin de fer de Soissons à Compiègne. En s'y engageant, l'on se trouve bientôt à un bois que le chemin de ter a fait disparaître en grande partie et que le cadastre appelle encore Bois 'Dupleix, du nom de son ancien propriétaire.
( 5) La croix a été élevée vers 1865 ; renversée dernièrement et brisée par une tempête elle n'a pu encore être rétablie
(6) Mgr de Garsignies était ardent et entreprenant. Il dépassa facilement toutes ses ressources et laissa, comme on le sait, une très lourde dette diocésaine à son successeur. Qu'on nous permette de rappeler ici ce qu'en dit alors S. E. Mgr le Cardinal Gousset : « Oui, ce très bon évêque de Soissons n'a jamais écouté que son cœur; il n'a pas assez consulté son gousset. »
(7) Nous voulons volontiers dire ici l'anecdote authentique suivante. Le fait s'est passé dans l'une des communes des environs de Soissons. Mgr Duval en avait visité l'église, située au bas d'une côte assez rapide, et la visite terminée, il prit son élan et eut tôt fait de gravir la montée pour revenir à la station de départ. M. le Maire de l'endroit, tout haletant, le rejoignit non sans peine, et après un instant lui dit : Monseigneur, quand vous reviendrez une autre fois, j'aurai soin de prendre ma voiture..
(8) au Nouvion en 1823, curé de Montigny- sous-Marle en 1846; d'Erlon en 1849; de Mercin en 1855 ; curé doyen d'Oulchy en 1857.
(9) Citons ici l'église et la ferme seigneuriale de Berzy- le-Sec ; le château de Septmonts, ancienne résidence des Evêques, avec sa belle tour de Saint-Prince aux étages en encorbellements; l'église de Courmelles et les vitraux de Bucy; l'église de Missy avec son portail à l'histoire de sainte Radegonde et ses person nages en costume du XVI e siècle ; la verrerie de Vauxrot, les grottes de Pasly, le dolmen de Vauxrezis,-et le camp du Villé, à trois kilomètres de Soissons, quelques- uns s'attardent encore à placer le Noviodunum des Suessiones.
(10) Cet oratoire a servi aux fidèles pour les offices publics durant les travaux aits au portail et à l’intérieur de l'église paroissiale
(11) Ce n'est point ici le lieu de faire la description de l'église de Mercin, que nous avons vue se transformer sous nos yeux. Ce travail de rénovation et de décoration intérieure est dû à M. l'abbé Rouillier qui, après avoir administré sa paroisse pendant trente-deux ans, vient de la quitter pour prendre sa retraite à Soissons dans une jolie maison que son digne père s'est fait construire sous les flèches de l'église de Saint-Jean. S'il tenait ici notre plume, il ne manquerait pas de remercier de tout son cœur les généreuses personnes dont il a reçu si souvent de larges offrandes. Il m'a semblé que je devais les remercier en son nom. Je ne veux pas manquer a ce devoir. La population de Mercin est bonne et ouvrière. Quel malheur qu'en cas derniers temps, la politique soit venue jeter la division dans son sein!
(13) L'impression de ces lignes a subi de longs retards. Aujourd'hui, ce ne sont plus des simples regrets pour une absence momentanée de Monseigneur que nous avons à exprimer. Nous avons à nous agenouiller et à prier sur sa tombe prématurément ouverte. Dieu n'a point exaucé les vœux du diocèse. La maladie s'est attaquée à tout l'organisme et a fait, en quelques semaines, de terribles et rapides progrès. L'Eglise de Soissons est devenue veuve le dimanche 16 septembre, vers la sixième heure de l'après-midi.
(14) La superficie du domaine, entre murailles et haies, comporte un peu plus de vingt six hectares. Les terres et bois des carrières avec l'avenue sur le plateau, comportent environ six hectares. Un herbier réunissant la plupart des plantes de la région avait été offert autrefois à Mgr Thibaudier. Bien que la faune ne soit pas considérable, il arrive parfois qu'un étourdi lapin ou un levreau inexpérimenté viennent se découvrir et se jeter, pour leur perte, sous les pas des promeneurs. Il y a aussi, comme l'on dit, du renard. Citons une histoire déjà ancienne. C'était au lendemain de la guerre allemande. Un jeune vicaire de Soissons, faisant une promenade dans le bois, ne fut point peu étonné de voir un certain messire Renard venir se poster justement au bout de sa canne. Mal en prit à l'imprudent madré. Sa dépouille se voit aujourd'hui dans un presbytère de la banlieue de Saint-Quentin. Plus récemment, un autre rôdeur s'est laissé enfumer dans sa tanière, C'était une punition. N'avait- il pas dévasté la cour de la ferme dans la nuit précédente ? Les sangliers et les cerfs ne peuvent qu'y être de passage, s'il arrive qu'ils soient chassés des grands bois peu éloignés.
(15) Dans l'Ordo de 1905 du diocèse d'Amiens, nous lisons l'avis officiel suivant : « Les Matines et les Laudes peuvent être dites la veille à partir de l'heure le soleil est plus près de son coucher que de midi. Pour pouvoir les réciter en toutes saisons à partir de 2 heures de l'après midi, il faut y être autorisé par un rescrit apostolique. L'opinion contraire n'est pas fondée (S. R. C. 9 nov. 1901).